Financer la rénovation de monuments historiques grâce au financement participatif, le projet avait de quoi sédurie. Ca ne s’est pas passé comme prévu…
Le financement participatif au service de la sauvegarde du patrimoine
Fondée en 2015 par Romain Delaume et Bastien Goullard, deux anciens étudiants de SKEMA Business School, Dartagnans s’est rapidement imposée comme une figure emblématique du financement participatif dédié à la préservation du patrimoine français.
Avec pour ambition de démocratiser l’accès à la sauvegarde des monuments historiques, l’entreprise a su séduire de nombreux contributeurs. Cependant, derrière cette success story apparente se cachent des zones d’ombre qui ont récemment mis à mal la réputation de la start-up.
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8,2 millions d’euros connectés pour rénover des chateaux
Dartagnans a vu le jour avec une mission claire : permettre à chacun de devenir acteur de la préservation du patrimoine en investissant dans des projets de restauration de châteaux en péril.
Le modèle proposé était simple : via des campagnes de crowdfunding, les participants pouvaient acquérir des parts de châteaux, devenant ainsi « co-châtelains ».
Parmi les projets emblématiques, on compte le château de la Mothe-Chandeniers (Vienne), acquis en 2017 grâce à la contribution de 28 000 internautes originaires de 115 pays, ainsi que les châteaux de l’Ébaupinay (Deux-Sèvres), de Vibrac (Charente) et de Boulogne-la-Grasse (Oise).
Ce concept novateur a permis à Dartagnans de collecter près de 8,2 millions d’euros, positionnant l’entreprise comme un acteur majeur du mécénat participatif en France.(lefigaro.fr)
Des critiques croissantes sur la gestion financière
Malgré un démarrage prometteur, des voix se sont élevées pour dénoncer une gestion financière opaque et des pratiques douteuses. En 2021, l’UFC-Que Choisir avait déjà émis des réserves sur les opérations de financement en ligne de Dartagnans, alertée par des irrégularités signalées par une gestionnaire de patrimoine.
Extrait d’une enquête très critique publiée par Que Choisir.
Les critiques se sont intensifiées en 2024, lorsque la filiale Dartagnans Développement, chargée du suivi des chantiers de rénovation, a été placée en liquidation judiciaire. Peu après, la préfecture de Paris a suspendu les activités du fonds de dotation de l’entreprise, invoquant l’absence de financement d’actions d’intérêt général et la non-transmission des documents requis.
Les copropriétaires des châteaux ont également appris la mise en vente des sites de Vibrac et de l’Ébaupinay, suscitant l’indignation parmi les contributeurs. Beaucoup ont exprimé leur frustration face au manque de transparence et à l’absence de réponses de la part des dirigeants.
Un montage financier complexe et controversé
L’analyse du modèle économique de Dartagnans révèle un système de commissions et de prestations internes qui soulève des questions. La SA Dartagnans percevait 8 % de commission sur les sommes levées pour les châteaux, soit environ 650 000 euros depuis 2019. De plus, des conventions d’animation et d’assistance signées avec les SAS des châteaux lui octroyaient une rémunération supplémentaire de 7 % pour diverses prestations, allant du développement stratégique à la communication.
Cependant, les SAS des châteaux ne recevaient pas directement les fonds collectés. L’argent était versé à un fonds de dotation détenu par la SA Dartagnans, qui le prêtait ensuite aux SAS. Ce montage a conduit à un endettement significatif des copropriétés : 1,5 million d’euros pour La Mothe-Chandeniers, plus de 800 000 euros pour l’Ébaupinay et environ 450 000 euros pour Vibrac.
Des manquements réglementaires et des infractions signalées
Les autorités ont relevé plusieurs infractions au sein de la galaxie Dartagnans. Parmi celles-ci : l’absence de publication des comptes sociaux, la non-tenue des assemblées générales aux dates réglementaires, et la démission non actée de Bastien Goullard de sa fonction de directeur général en octobre 2024 .
Ces manquements ont renforcé les inquiétudes des investisseurs et des donateurs quant à la viabilité et à la transparence de l’entreprise.
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Une communauté de co-châtelains désabusée
Les contributeurs, initialement enthousiastes à l’idée de participer à la sauvegarde du patrimoine, se sentent aujourd’hui trahis. Sur des forums comme Finary, plusieurs témoignages font état de projets abandonnés sans remboursement, d’une impossibilité de revendre les parts acquises, et d’un manque de communication de la part des dirigeants.
Certains évoquent également une divergence entre les promesses initiales et la réalité : au lieu de restaurer les châteaux, des constructions annexes étaient privilégiées pour des activités touristiques, laissant les bâtiments principaux à l’abandon.
Sources:
- « Dartagnans : un pour tous, tout pour lui ! »
- Page Wikipedia de l’entreprise Dartagnans.
- « Château de Vibrac : la boulette de Dartagnans, tous les votes des assemblées générales sont annulés »
- « Les « Sauveurs de châteaux » tardent à se mettre en conformité avec les règles de gestion financière »
- « Le château La Mothe-Chandeniers vendu 500.000 euros à 6.500 internautes »
- « Dartagnans lance un nouvel événement en 2025 : la Nuit des Monuments »
- « Extrêmement déçu et choqué par Dartagnans»: Grand Cognac s’intéresse au Château de Vibrac et son projet toujours au point mort
- « Ce château classé aux monuments historiques a perdu la moitié de sa valeur en six ans »
- « Où est passé l’argent ? » : un donateur du château de Vibrac porte plainte contre « l’opérateur touristique » Dartagnans
