24Option, Investing area, Option Web ou encore Interactive Option, tous ces courtiers de trading en ligne affichent leur logo sur les maillots des joueurs des plus grands clubs de football. Mais plus pour longtemps… D’après l’article 28 de la loi sapin 2 qui sera appliqué dès juin 2017, les courtiers de CFD, forex et options binaires n’auront plus le droit de sponsoriser les sportifs. Enquête..
Depuis la mise en application de la directive européenne sur les Marchés d’Instruments Financiers (MiF) de novembre 2007, les sociétés de trading ayant un agrément dans un pays européen peuvent proposer leurs services dans toute l’Union européenne. Le secteur s’est révélé tellement florissant que, dès 2012, certaines sociétés de trading se sont hissées au rang de partenaires des plus grands clubs de football d’Europe. En France, sur les 5 sociétés qui sponsorisent des clubs de Ligue 1 (PSG, AS Monaco, OGC Nice, Olympique lyonnais, AS Saint-Etienne), 3 ont été sanctionnées.
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Toggle24option piégée dans les mailles du filet
La société de trading a commencé à opérer en offshore et illégalement à partir de sa création en 2010. Deux ans plus tard, elle obtient sa licence à Chypre. Sa prospérité sur le marché européen lui permet de s’allier assez rapidement avec l’Olympique Lyonnais et même Eurosport. Face à cette visibilité grandissante et suite aux multiples défiances vis à vis de ce marché toxique, le conseil de la Cysec (Cyprus Securities and Exchange Commission) a condamné la société mère de 24option, Rodeler Limited, à une amende de 156 000 euros en janvier 2016.
Cinq mois plus tard, l’AMF revient à la charge, en interdisant à la société, numéro 1 dans l’industrie des options binaires, de fournir sur le sol français ses services via sa plateforme internet. Le motif de la pénalité était clair : leur site manquait indéniablement d’information sur les risques encourus par l’investisseur. Comme le souligne le communiqué de presse de l’AMF du 29 juillet:
« Cette décision de l’Autorité des marchés financiers, prise en application de l’article 62 de la directive MIF est une première« .
Pour information, l’article 62, transposé en droit national à travers le texte L. 532-21 du code monétaire et financier, prévoit la possibilité pour l’AMF de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les investisseurs sur son territoire et préserver le bon fonctionnement des marchés, y compris d’interdire à un prestataire de fournir des services. Même si on peut saluer le caractère « exceptionnel » de la mesure, elle est néanmoins symbolique puisque le site internet continue toujours d’exister. Dans les faits, comment l’AMF peut contrôler la mise en application de son interdiction ? Du côté des stades de foot, ces condamnations de 24option ne pouvaient pas rester sous silence.
En effet, dans un article sur le site Challenge du mois de mai, on apprenait d’après Harry Moyal, le directeur général adjoint business et stratégie de l’Olympique Lyonnais :
« Le partenariat pour 2 saisons que nous avons avec 24Option est très classique et il porte sur des publicités durant les matchs ainsi que sur leur visibilité sur la manche de notre maillot. Nous avons reçu une note de l’AMF sur ce type d’acteur et nous avons été surpris. Suite à leur condamnation, on les a convoqués pour qu’ils nous rendent des comptes. »
Cinq mois après les faits, nous avons voulu en savoir plus. D’après Valérie Fontaine, responsable relation presse à l’OL :
« En ce qui concerne le partenariat avec 24Option, il a été arrêté compte tenu de l’information reçue de l’AMF. Cependant, nous ne souhaitons pas évoquer ce dossier qui n’est pas encore réglé. »
Une transition difficile avant l’interdiction
Notre interview du rapporteur de la loi sapin 2, Romain Colas, nous a permis de savoir que la loi concernant l’interdiction du sponsoring sportif par des entreprises proposant des produits financiers risqués ne sera appliquée qu’en juin 2017. C’est 6 mois après l’application de la loi sur l’interdiction de la publicité électronique. Ce report d’application de la loi pour le sponsoring sportif vise, selon Romain Colas, deux objectifs : ne pas pénaliser les clubs financièrement et éviter les contentieux envers l’Etat. Pour la première explication, nous sommes assez dubitatifs! En effet, avec le partenariat récent de l’OL avec Alila et le soutien financier de Véolia et Hyundai, la valorisation du maillot de l’Olympique Lyonnais avoisine les 20 millions d’euros. Comme l’explique le député de l’Essonne:
« Mon objectif aujourd’hui, ce n’est pas que demain, des opérateurs, des clubs ou des annonceurs puissent se retourner contre l’Etat. Les clubs avaient le droit de contracter avec ces annonceurs« .
Jusqu’ici tout va bien sauf qu’il est assez difficile d’admettre qu’un club de foot peut continuer à travailler avec une marque qui vient d’être condamnée. Leur contrat contenait-il une clause stipulant la rupture du lien en cas de condamnation ? A l’heure, 24option n’affiche plus son logo sur la manche gauche des joueurs de l’OL et le site internet du courtier d’options binaires met en avant son statut de partenaire officiel avec la Juventus de Turin. Sponsor depuis 2014, 24option a signé une extension de contrat jusqu’à la fin de la saison 2017-2018 avec l’équipe la plus titrée d’Italie. Le climat du sponsoring serait-il plus doux dans la péninsule méditerranéenne ?
Que penser de la position de l’UEFA et des clubs?
En France, les clubs de ligue 1 jouent un jeu dangereux avec des sponsors que l’AMF considère comme des sociétés abusant de la crédulité du public. D’autant plus qu’il est difficile pour les amateurs de football de ne pas faire confiance à une marque qui trouve sa place parmi des entreprises connues et reconnues. Tout d’abord, on sera assez surpris du vide juridique planant autour de ces contrats de sponsoring.
En interrogeant le service presse de l’UEFA, Warning Trading vient d’apprendre qu’aucune commission à l’UEFA n’est chargée des questions relatives au sponsoring et qu’aucune charte n’encadre le choix d’un partenaire ou fournisseur. Exit la fiche d’identité du sponsor qui rassemble, par exemple, des données sur l’historique de la société, la transparence des comptes, les types de services ou produits vendus, image de la société, l’éthique de la société etc…
« L’UEFA n’est pas compétente pour imposer le choix des sponsors aux clubs, mais elle peut simplement demander aux clubs qui prennent part à nos compétitions de ne pas avoir de sponsors dans les catégories tabac et alcool. C’est aux clubs de faire ensuite en sorte qu’ils soient en règle avec les lois en vigueur dans leur pays » souligne le porte-parole de l’UEFA.
Du côté des clubs, même scénario, puisque Valérie Fontaine nous précise :
« Les clubs sont libres de lier des partenariats avec les sociétés tant qu’ils restent dans le respect des législations en vigueur (loi Evin, etc.). Les seuls freins peuvent ensuite être de l’ordre des règles d’exclusion de domaines d’activités, dans le partage des droits consentis. Si vous avez un partenaire banquier, il sera difficile de faire rentrer un concurrent sur les mêmes droits marketings, en cas de clauses d’exclusivité« .
Quel est l’avis des clubs sur cet article mettant fin à leur partenariat avec des traders ? Silence du côté de l’Olympique Lyonnais et de l’AS Saint Etienne que nous avons sollicités. A priori, les clubs se cachent derrière le double jeu de l’AMF et le vide juridique français qui régnait, jusqu’alors, autour du parrainage sportif des prestataires de produits financiers toxiques.
Une loi plus globale pour satisfaire l’Afcopsi ?
Dans le projet de loi initial de l’article 28, il était question d’interdire uniquement la publicité électronique des courtiers de produits financés risqués. Sous la pression de l’AfcopSi, un article additionnel est venu compléter la loi en interdisant le sponsoring sportif. Comme le souligne le rapporteur, Romain Colas,
« L’un des reproches de l’AfcopSi, c’était qu’on allait sanctionner les opérateurs légaux. On a donc eu à cœur de compléter le dispositif pour cibler les illégaux d’où l’interdiction globale de la publicité et celle du sponsoring sportif ».
Concrètement, nous pouvons voir deux avantages à cette loi. Tout d’abord, le fait de ne plus voir ces marques associées au sport de haut niveau va protéger les particuliers face aux risques encourus. En supprimant les publicités, la dangerosité est davantage perçue par l’opinion et l’impact des messages de prévention se trouve renforcé. Par exemple, la loi Evin adoptée en 1991 a montré son efficacité sur l’évolution de la consommation de tabac. Enfin, cette loi va à l’encontre de la banalisation du trading que souhaitent ses acteurs les plus puissants. Le forex, CFD ou les options binaires ne sont pas des « produits financiers de consommation courante« . Mais que sont-ils finalement ?