De nombreuses campagnes de sensibilisation sur les risques liés aux instruments financiers appelés CFDs (contracts for difference ou contrats sur la différence) auprès des particuliers par les différentes autorités financières européennes, accompagnées d’actions judiciaires aux états unis, en France et en Israël, relayés dans la presse et qui ont toutes conduit à de nombreuses arrestations et démantèlements de réseaux mafieux ont sue mettre en exergue le caractère dangereux voir toxique de cette activité. Cependant, malgré une perte dépassant les 5 milliards d’euros des épargnants français sur la période de 2008 à 2015 n’aura malheureusement pas suffi en 2021 à décrédibiliser la réputation pourtant sulfureuse de cette industrie du jeu d’argent qui profitablement continue à s’organiser autour de quelques acteurs majeurs situés pour la majorité hors de l’Europe.
En France, les nombreux avertissements de l’autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre de la loi sapin 2 limitant la publicité des CFDs et interdisant les Options Binaires n’a-t-elle pas permis de stopper voir limiter cette industrie ? Ce n’est sûrement pas l’avis du groupe israélien ParagonEX découvert par le passé dans l’une de nos enquêtes sur le courtier FXGM, qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin avec l’arrivée de ses deux nouvelles plateformes de trading, RW Markets et Trade360 en remplacement de la plateforme UFX dont sa e-réputation et ses nombreuses condamnations l’oblige a ce mettre au vert.
Sommaire
TogglePetit rappel sur les CFDs
Il nous semble indispensable de revenir sur le fonctionnement des CFDs afin de mieux décoder l’engouement qu’il suscite auprès des particuliers « investisseurs » en France, mais aussi à l’international. Il faut comprendre CFD par « contrat sur la différence ». Cela signifie que le détenteur d’un contrat CFD est tributaire de la différence entre son prix d’achat et son prix au moment de la vente. Si le CFD est gagnant, son propriétaire percevra le montant de l’écart. En revanche dans le cas contraire il devra payer le montant de la différence.
Il s’agit comme au casino, d’un pari sur le la couleur rouge ou noire avec une nuance de taille, son effet de levier qui peut multiplier par 3 ou par 5 voir 30 votre mise de départ vous entrainera inévitablement par un mécanisme de biais cognitif dans une spirale abyssale de votre épargne. C’est le principe du jeu d’argent facile à comprendre et à jouer chez soit derrière un ordinateur ou un smartphone. Pensant investir directement tout type d’indice ou devise en passant par les cryptomonnaies, vous voilà en quelques clics propulsé trader à la City avec des rêves plein la tête. En réalité vous jouer dans un jeu vidéo et votre argent ne circule pas sur les marchés financiers.
L’industrie du trading cousine de celle des casinos en ligne a très vite repéré les failles des règlementations financières européennes.
Le modèle économique des plateformes de trading
Jouer son argent sur ces plateformes de trading implique une bonne connaissance de leur modèle économique. En effet, ces dernières contrairement à ce qu’elles annoncent, se rémunèrent sur la perte de leurs clients. Elle accepte ainsi de prendre le risque en jouant contre vous. Risque bien évidemment calculé, car une étude de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a démontré que 9 investisseurs sur 10 perdent l’intégralité de leur capital. Dans de telles conditions aussi favorables, ces plateformes encaissent des centaines de millions d’euros.
Les restrictions pas-à-pas de l’AMF
Tout d’abord, c’est en 2016 que le premier pavé est lâché dans la marre. En France, la loi Sapin II interdit la publicité sur ce type de produits financiers. Puis il faudra attendre encore deux années pour qu’une autre restriction voie le jour. En effet, depuis le 1er août 2018, la commercialisation des CFD aux investisseurs particuliers a été restreinte en France. Les fournisseurs de CFD ne doivent pas inciter le public à investir dans ces produits et ils doivent mentionner un avertissement sur les risques liés au produit dans toutes leurs communications.
On retrouve d’ailleurs ces mentions sur les fournisseurs de CFD comme IGMarket ou SaxoBank. Il est inscrit sur le site d’IG.com « Les CFD sont des instruments complexes et présentent un risque élevé de perte rapide en capital en raison de l’effet de levier. 73% des comptes d’investisseurs particuliers perdent de l’argent lorsqu’ils investissent sur les CFD avec IG » avant de poursuivre par « Vous devez vous assurer que vous comprenez le fonctionnement des CFD et que vous pouvez vous permettre de prendre le risque élevé de perdre votre argent ».
En 2018, l’AMF applique des limitations sur l’effet levier selon la nature du sous-jacent. Par exemple : il est de 30 pour les CFD sur les devises les plus importantes du Forex, de 5 pour les CFD sur les actions et de 2 pour les CFD sur les cryptomonnaies. L’AMF a instauré ces limitations en prenant le relai de l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA), comme l’y autorise le règlement européen MIFID 2, permettant aux instances de supervisions nationales d’interdire ou de limiter les produits considérés comme dangereux. Cependant, l’AMF n’a pas été aussi loin que son voisin belge, la FSMA qui a interdit la commercialisation auprès du public, via des plateformes de trading électroniques, des contrats dérivés comme les CFD.
Qu’en pense la FSMA ?
Pour les Belges, le règlement s’articule autour de deux actions : une interdiction de commercialisation auprès du public, via des plateformes de trading électroniques, des CFD et l’interdiction d’un certain nombre de modes de commercialisation agressifs ou inappropriés (call centers externes, modes de rémunération inadéquats, cadeaux ou bonus fictifs, …).
« La commercialisation de certains instruments financiers dérivés comme les CFD a été limitée auprès des clients de détail en Belgique à partir du 18 août 2016 au moyen d’un règlement de la FSMA. La FSMA a pris cette décision car elle estime notamment que de tels instruments financiers dérivés particulièrement risqués ne sont pas appropriés pour les investisseurs de détail » nous explique le département relation presse de la FSMA.
Avant d’ajouter, « La FSMA a également observé que ces instruments étaient même proposés à des personnes âgées, des personnes sans emploi, des personnes ayant des problèmes financiers ou des consommateurs ne disposant clairement pas des connaissances et de l’expérience requises. C’est également la raison pour laquelle le règlement de la FSMA interdit certaines méthodes de marketing indésirables ».
Sans donner des chiffres précis, la FSMA nous rapporte que depuis l’entrée en vigueur du règlement, elle reçoit beaucoup moins de plaintes concernant ces produits dérivés proposés aux Belges par des entreprises d’investissement agréées.
La parade des prestataires de CFD : convertir les clients de détail en client professionnel
En mars 2018, suite à la restriction de la commercialisation des CFD auprès des investisseurs de détail par l’ESMA, les prestataires commercialisant des contrats sur différence ont trouvé la parade. Leur astuce ?
Selon l’ESMA, certains fournisseurs de CFD proposent aux clients de détail la possibilité de devenir des clients professionnels sur demande.
Dans un communiqué de presse de 2019, l’ESMA précise également que « certaines entreprises de pays tiers commercialisent des CFD qui ne sont pas conformes aux mesures de l’ESMA auprès des clients de détail dans l’Union européenne (UE), notamment par le biais de la publicité en ligne, et que des entreprises de l’UE se livrent à des activités visant à contourner les mesures d’intervention temporaire sur les produits et que certaines d’entre elles incitent les clients de détail à commencer à négocier avec une entreprise intragroupe établie dans une juridiction hors UE ».
A l’avenir, pas de mesures plus strictes
Pour faire reculer ce phénomène de conversion illégale de client particulier en client professionnel, l’ESMA nous précise qu’elle a renouvelé périodiquement des mesures restrictives pendant un an. Ensuite ? « A ce stade, les mesures sur les CFD sont basées sur les interventions nationales. La surveillance des entreprises individuelles incombe aux autorités nationales compétentes» nous précise l’ESMA qui n’a pas en sa possession les chiffres sur les montants moyens perdus liés au CFD ou sur les taux de conformité des fournisseurs de CFD.
Interdiction de publicité, interdiction de démarchage et/ou de commercialisation auprès des particuliers, réductions des effets leviers… depuis 5 années les CFD sont soumis à des restrictions visant à protéger les particuliers investisseurs. Cependant, sur le terrain, les fournisseurs de CFD réussissent à contourner ces directives. Finalement, il est légitime de se demander pourquoi il n’y a pas une interdiction stricte de ce produit dérivé si risqué.
Pour l’ESMA « Toutes les mesures d’intervention sur les produits doivent être justifiées et proportionnées et sont soumises à un certain nombre de contraintes juridiques fortes. Les mesures d’intervention de l’ESMA relatives aux CFD qui ont été adoptées par la suite par toutes les Autorités nationales compétentes étaient et continuent d’être justifiées et proportionnées. L’accent est désormais mis sur l’application effective des règles existantes. Comme l’ESMA et les gendarmes financiers nationaux l’ont expliqué dans leurs mesures, les caractéristiques des options binaires justifiaient plutôt une interdiction totale de ces produits pour les clients de détail ».
Nous nous interrogeons également sur les prochaines mesures limitant la perte d’argent liée aux CFD par les particuliers. Pour l’ESMA, pas de bouleversement dans l’avenir, mais une surveillance accrue de l’espace CFD. « L’objectif principal est actuellement l’application effective des règles existantes par les autorités nationales compétentes ». Toutes ces réponses, nous conforte dans l’idée que l’industrie du CFD a encore de beaux jours devant elle.