La guerre est-elle déclarée contre la loi Sapin 2 ? Contre ce projet de loi qui veut interdire la publicité pour le Forex, IG, FXCM, XTB, CMC Markets et WH Selfinvest s’associent pour faire pression sur le ministère de l’économie: Cette initiative témoigne de l’agitation en coulisse d’ici le vote définitif de la loi et sur les directives européennes financières à venir. L’objectif affiché: se différencier des courtiers chypriotes en diffusant l’image de courtiers français et respectables.
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ToggleLe premier Lobby des courtiers FOREX Français
L’AFCoPSI n’a que quelques jours. Elle a été créée le 11 avril dernier par 5 courtiers implantés en France en réaction au projet de loi Sapin 2. Malgré l’imprécision qui l’entoure encore, ce texte vise l’interdiction de la publicité pour les sites de Forex et assimilés. “Nous voulons avant tout nous positionner comme des professionnels soucieux des lois et voulons peser dans les décisions politiques en apportant des solutions cohérentes et qui vont dans le sens de l’investisseur” explique Daniel Gravier, son représentant officiel.
Au programme: actions de communication, information auprès des médias et surtout, pression sur le ministre du Budget afin de faire modifier le texte de loi avant son vote définitif. Ce nouveau groupe de pression a confié sa direction à un cabinet de lobbying français, Anthenor1, déjà très présent dans les questions environnementales2 et particulièrement actif dans les faubourgs de la Commission européenne, à Bruxelles
Pour se différencier des courtiers “voyous”, israélo-chypriotes, l’AFCoPSI met en avant le respect rigoureux de la réglementation actuelle par ses membres. Le nombre des litiges est décrit comme particulièrement faible. “En six ans d’activité, chez XTB, nous n’avons qu’à déplorer deux litiges dont un que nous avons gagné et le second qui est en cours de résolution”, résume Daniel Gravier.
Se distinguer comme courtier « RESPECTABLE »
A l’AFCoPSI, on veut tracer une frontière claire et objective entre les courtiers “voyous” chypriotes et israéliens et les courtiers “respectables”, c’est-à-dire respectueux de la loi. Comprendre “non-chypriotes”. A l’horizon, s’annonce un gros travail de normalisation pour distinguer à coup sûr le bon grain de l’ivraie. Pour l’AFCoPSI, la respectabilité de ce business s’assimile au respect des lois en vigueur. Or, la réglementation sur le Forex, les CFDs et les options binaires devrait fortement évoluer dans les années qui viennent, avec la loi Sapin 2 mais aussi l’entrée en vigueur d’une directive européenne qui permettrait à chaque Etat membre d’interdire sur son territoire des produits financiers jugés toxiques.
Tel est l’enjeu des batailles à venir. A l’approche de ces échéances, le camp des courtiers fourbit ses armes. Nous avons essayé de savoir quelle est sa ligne sur quelques points du débat.
Les options binaires sont-elles un investissement financier? “Dès lors que le sous-jacent accessible est un marché financier, on parle bien de produit financier” nous a répondu Daniel Gravier, qui pourtant, compare sans hésiter son activité au PMU.
Est-ce que les pertes de vos clients sont vos bénéfices? Pour le représentant de l’AFCoPSI, “la politique de gestion du risque fait partie du business modèle de la société (de courtage)”. Il reconnaît par là que les commissions sur les transactions sont loin d’être la seule source de revenu de ces sociétés. Cette part varie suivant les risques que chaque courtier accepte de prendre avec tel ou tel clients.
L’utilité sociale de ces produits? Pas de réponse nette. Daniel Gravier met en avant la possibilité enfin offerte aux particuliers d’accéder à des marchés autrefois réservés aux professionnels. Mais il n’explique pas clairement ce que cela a de réjouissant.
Et que répondre à la fameuse étude de l’AMF démontrant que 90% des particuliers sont perdants sur ces marchés? “Vous aurez des précisions là-dessus en temps voulu, les données n’ont pas encore été agrégées”, nous a-t-on répondu. Nous attendons avec le plus vif intérêt la contre-étude de l’AFCoPSI. Cependant, dans sa réponse, le représentant de l’AFCoPSI mélange les chiffres de cette rigoureuse étude de 20143 avec les chiffres avancés par le procureur de Paris en mars 20164. Deux chiffres qui n’ont rien à voir. L’étude de l’AMF en 2014 a été réalisée à partir d’un échantillon représentatif de données fournies par des courtiers régulés notamment en France. Les chiffres du procureur de Paris sont une estimation des pertes des victimes françaises d’escroqueries pour le seul Forex, hors escroqueries portant sur ce que l’on nomme les “investissements atypiques” (grands crus, manuscrits, terres rares).
Une fédération qui ne fait pas l’unanimité »
L’une des conditions pour faire partie de l’AFCoPSI, c’est la présence physique en France. Cela faisait plusieurs années que l’on discutait d’un tel projet qui ne s’est accéléré que dans l’adversité contre la loi Sapin 2 et d’autres offensives de l’AMF contre le Forex. De nombreuses réunions avaient échoué à rapprocher les points de vue sur ce qui devait fédérer ses membres.
Ainsi faut-il comprendre l’absence de Saxo banque qui ne souhaite pas apparaître comme un courtier mais préfère cultiver son image de banque généraliste, tout comme Boursedirect-Boursorama ou Binck. Ce sont pourtant principalement des services de courtage qu’offrent ces établissements.
D’autres absents notables: Activtrade ou encore JFDBroker. ”Nous trouvons que cette association peut être une bonne idée, mais je crois savoir qu’elle n’est réservée qu’aux courtiers basés physiquement en France” nous a expliqué Arthur Boissiere, le responsable pour la France d’ActivTrade. L’implantation physique en France est donc un critère retenu par l’AFCoPSI pour accepter ou refuser de nouveaux membres. Et Daniel Gravier de confirmer que “l’une des conditions majeures pour être membre de l’association est d’avoir une raison sociale et une présence physique en France. (…), nous n’avons pas souhaité pour le moment associer d’autres courtiers fussent ils sérieux”.
Peut-être ce clivage entre courtiers français et courtiers francophones mais non français en recouvre un autre, comme semble le suggérer le dirigeant d’ActivTrade: “nous nous félicitons de la future décision du législateur d’interdire la publicité mensongère et racoleuse car elle vise une clientèle qui n’est pas la nôtre et qui n’a rien à faire sur ce marché.” L’interdiction de la publicité pour le Forex ne semble donc pas faire l’unanimité contre elle. Même chez les professionnels, certains considèrent que des investisseurs particuliers n’ont rien à faire sur ce marché. Tout comme l’Autorité des marchés financiers.
Sources :
1. Site du cabinet de lobbying : www.anthenor.fr
2. Dans l’Express, devenez lobbyiste specialiste dans l’environnement
3. Rapport d’étude et analyse de l’AMF
4. Dans le FIGRAO, 4.5 milliard d’euros avec des arnaques sur Internet
5. D’après le procureur de Paris, 4,5 milliards d’euros auraient été extorqués par des courtiers depuis 6 ans.