Le crédit agricole condamné par deux victimes d’arnaques au trading

Crédit agricole arnaque

Deux nouvelles décisions condamnent le Crédit agricole pour manquement à son obligation de vigilance dans ses relations avec deux victimes.

Une victime de l’arnaque brookfield99.com

Par un jugement du 19 septembre, le tribunal judiciaire du Mans vient de condamner une filiale du Crédit agricole située en Anjou et dans le Maine à rembourser une partie des sommes perdues par une victime de l’arnaque brookfield99.com.

Extrait du site signal-arnaque.com

En 2016, la victime, un ouvrier agricole âgé de 70 ans, est démarché par cette plateforme de trading en ligne. Sous emprise, Il est poussé à « investir ses économies sur sa plate-forme de trading en ligne, sur le marché des options binaires et du diamant ». Il va ainsi ordonner 9 virements pour un montant total de 328 000 € vers des banques étrangères, particulièrement l’USB Bank PLC de Chypre. Les juges relèveront que « c’est la répétition des virements qui aurait dû alerter la banque ».

Aucune des sommes versées à ce courtier ne sera réellement investie sur un quelconque marché financier.

Dans une autre affaire très semblable jugée par le Tribunal Judiciaire de Troyes le 24 mars dernier, la victime a perdu 161 460 euros.

Un client vulnérable que la banque aurait du protéger

La victime du premier jugement est « un homme simple qui écrit difficilement ». Il touche une retraite inférieure à 1000 euros. Pour alimenter ces différents virement, il demande à ses conseillers bancaires de tirer plusieurs fois plusieurs dizaines de milliers d’euros de ses comptes d’épargne. Parfois, il ne signe pas l’ordre de virement. Une fois « l’agent de la banque a mentionné une simili-signature pour entériner l’ordre du client ».

Les juges relèvent que ces mouvements de fonds étaient particulièrement inhabituels pour ce client de la banque, de même que le pays de la principale banque destinataire, à Chypre. Les sociétés d’investissement chypriotes arrivent justement en tête des plaintes des épargnants français.

Les banques ont « une obligation de conseil ou de mise en garde »

Or, les banques sont débitrices d’ « une obligation de conseil ou de mise en garde » vis-à-vis de leurs clients. Le crédit agricole dispose d’ailleurs de modèles de messages destinés à mettre en garde leurs clients dans des cas semblables. L’avocate de la victime en a même produit un exemple à l’appui de sa démonstration.

Extrait du jugement.

Le Crédit agricole aura beau prétendre que la victime serait une personne “initiée” (un professionnel de la finance ou assimilé à un professionnel), au motif qu’il aurait été conseillé par un beau-frère ou encore que ce n’est pas sa responsabilité de « consulter les listes noires des sites non autorisés en France publiés par l’AMF ». Les juges relèvent d’ailleurs que les personnes telles que la victime seraient bien incapables de les comprendre.

Les manquements du Crédit agricole sont une perte de chance

En conséquences, le tribunal du Mans engage donc la responsabilité du Crédit agricole. Cela signifie que si la banque avait fait correctement son travail, la victime aurait bénéficié d’une possibilité d’arrêter les frais et de limiter ses pertes. C’est ce que l’on appelle une « perte de chance ».

Cela signifie que les juges considèrent que les manquements de la banque ont empêché la victime de bénéficier de la possibilité d’éviter cette arnaque ou de limiter les dégâts. Si la banque avait fait correctement son travail, la victime se serait peut-être faite avoir malgré tout, mais elle aurait eu une chance d’être préservé. Les juges considèrent que « la perte de chance s’établit à un tiers des sommes perdues », soit 110 000 euros.

Extrait de la décision rendue à Troyes.

Les juges de Troyes vont suive le même raisonnement et condamner le Crédit Agricole à dédommager la victime à hauteur de 46 278 euros.

Des condamnations de banques de plus en plus fréquentes

Ces deux condamnations ne sont pas inédites. D’autres banques ont été condamnées pour des faits semblables à Angoulême, Saint-Étienne, Strasbourg, Bordeaux, Chartres, Grenoble, Boulogne-sur-Mer, Lyon ou Quimper. En 2022, nous nous étions fait l’écho d’une condamnation de Boursorama. C’est également le cas du prestataire de paiement Worldpay, largement utilisé pour des transferts de fonds dans des arnaques au trading.

« Pratiquement dix ans après les faits, une dizaine de juridictions reconnaissent que ces arnaques ont été facilitées par le manque de vigilance des banques » commente Maître Anne Bernard-Dussaulx, l’avocate qui a défendu les deux victimes d’arnaques. « Il est temps que les banques assument pleinement leur rôle de prévention des arnaques et qu’elles s’en donnent les moyens ».

Philippe Miller

Philippe Miller

Journaliste professionnel, télé et web, carte de presse n°115527, depuis 2010, spécialiste des arnaques financières, des paradis fiscaux et des mafias.

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