Dans son dernier rapport annuel, Tracfin, l’organisme du ministère de l’Économie et des Finances en charge de lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, pointe du doigt les fraudes liées aux Certificats d’Economie d’Energie (CEE). De nouveaux montages frauduleux semblent avoir vu le jour en dépit de nouvelles règles de durcissement du dispositif créé en 2006.
Les CEE en bref
L’objectif du dispositif des CEE est clair : inciter les entreprises du secteur de l’énergie (les obligés) à effectuer ou faire effectuer des travaux d’économie d’énergie dans les entreprises, dans les habitations gérées par des bailleurs sociaux ou chez les particuliers. Chaque « obligé » se voit contraint, en fonction de sa structure et de son activité, de réaliser lui-même, ou par l’intermédiaire d’un délégataire, un quota de CEE équivalent à un volume d’économie d’énergie.
Les CEE obtenus auprès du ministère de la transition écologique et solidaire par les sociétés délégataires sont revendus aux sociétés obligées ou ces CEE sont disponibles sur un marché dédié. La quatrième période de ce dispositif, qui se poursuit jusqu’en 2020, prévoit ainsi 1 600 TWh cumac (économies d’énergie cumulées et actualisées).
Une mutation des fraudes
Parallèlement au durcissement des objectifs d’économie d’énergie, des fraudes ont été observées dès 2015. Les principaux types d’escroqueries rencontrées? D’un côté, on distingue l’artisan ou l’entrepreneur qui récupère des sommes plus importantes en antidatant ses travaux, en gonflant les factures ou en créant de fausses factures. De l’autre côté sont identifiés des réseaux structurés, composés d’entreprises nouvellement créées pour détourner des CEE.
« Ce sont les escrocs de la taxe carbone qui se sont recyclé dans l’environnement, ils empochent les millions d’euros et se volatilisent à l’étranger au moindre contrôle » expliquait le service d’enquête de la douane au journal Le Parisien début 2018.
Depuis, l’administration, par l’intermédiaire du Pôle national des CEE, accorde les nouvelles autorisations avec une plus grande circonscription : 14 sociétés sont agréées à ce jour, contre 75 en 2017. Des contrôles nécessaires quand on sait que ces détournements s’élèvent à des dizaines de millions d’euros selon la Direction générale des Douanes.
Le point de vue des professionnels du bâtiment
En 2018, Tracfin constate que les fraudes aux fausses déclarations de travaux ont reculé pour laisser la place aux arnaques basées sur des contrats de partenariats ou de sous-traitance avec des délégataires ou obligés. « La fraude aux CEE peut prendre la forme de réseaux de sociétés actionnant des chaines de sous traitance » explique Tracfin dans son rapport de novembre 2018.
Pour certains représentants de la filière professionnelle du bâtiment, les fraudes sont rendues possibles à cause des contrôles insuffisants portés sur les démarches commerciales d’une part, et sur la qualité des travaux de rénovation réalisés, d’autre part.
Pour renforcer ces contrôles, la profession demande une coopération plus efficace entre les différents pouvoirs publics garantissant l’intégrité des volumes de CEE que sont la DGCCRF, le pôle national des CEE ou les organismes de certifications RGE. Une centralisation des plaintes pourrait démasquer plus rapidement les fraudeurs. Des inspecteurs supplémentaires devraient être intégrés en 2019 au sein du pôle national.