Comment les escrocs du forex et des options binaires trouvent-ils leurs victimes? Difficile de faire de la pub pour des arnaques sans attirer l’attention de la police… Les margoulins du forex ont donc développé des méthodes pour alpaguer les épargnants sans que l’on remonte trop jusqu’à eux… Inventaire.
Vous faire croire que c’est vous qui avez décidé
Dans tous les pays qui protègent convenablement les consommateurs, il est généralement interdit d’être à la fois un intermédiaire de marché (accès au marché) et un gestionnaire de fortune (conseil en finance). Pourquoi? A cause des conflits d’intérêts que fait inévitablement surgir le cumul des deux fonctions. Supposez que je perçoive une commission à l’ouverture de tel ou tel produit financier, j’ai intérêt à ce que vous le souscriviez. Même si cela n’est pas financièrement intéressant pour vous. C’est une séparation fondamentale, une garantie minimale pour le consommateur.
Pour comprendre très simplement les arnaques au Forex, dites-vous que leur objectif est de mettre fin à ce cloisonnement, par tous les moyens : un courtier fera croire que c’est l’un de ses employés qui a multiplié les fautes et qu’il à été renvoyé, les “robots de trading” vous donnent l’impression que c’est un logiciel et non un conseiller financier qui a pris les décisions de gestion, les communautés de trading social qui vous font croire que vous allez copier les trades miraculeux de traders pro etc… Les scénarios varient, pas l’objectif. Vous donner l’impression que c’est vous qui avez pris la décision de tel ou tel investissement. Ainsi, lorsque vous aurez perdu votre argent, vous l’accepterez beaucoup plus facilement. Et ces sites se défendront en disant qu’ils ne font pas de conseil financier.
Inventer une belle histoire
C’est ainsi qu’il faut analyser chaque site de Forex : quelle histoire a-t-il inventé pour nous convaincre de lui donner notre argent? Plus un scénario est bien conçu, plus il peut espérer rapporter. Pour écrire les scénarios les plus efficaces, les marketeurs du Forex puisent tous dans les mêmes symboles et le même imaginaire : jeu, luxe, technologies modernes, vie facile…
Tous les coups sont permis. Certains parasitent une marque connue en changeant simplement une lettre au nom. Par exemple, FXGM et FXCM, Candy Trade et Candy Crush, Bourse Direct et Banque Direct… Certains n’ont pas hésité à parasiter l’Autorité des marchés financiers elle-même en reprenant sa fameuse liste noire pour la détourner en publicité cachée2. D’autres ne s’embarrassent pas de complications. Par exemple, certains sites sont simplement des Top 10 des “meilleurs courtiers”.
Quel que soit le mythe inventé par chacun de ces sites, leurs business modèles ne varient pas. Il s’agit de nouer un partenariat avec un courtier qui va rémunérer le recrutement de nouveaux clients. Ils proposent tous des partenariats : FXCM3, AvaTrade4, XM, +500, Etoro, Markets, Iron FX, 24Option… Ces collaborations peuvent être plus ou moins approfondies. Il peut s’agir :
- D’un apporteur d’affaire (introducing broker en anglais) ou d’un affilié (affiliate en anglais). Ce peut être une entreprise ou un individu. Sa mission : recruter des clients pour le compte d’un site de trading qui le rémunère pour chaque nouvelle victime. Les plus gros sites de trading proposent de devenir l’un de leurs apporteurs d’affaires, en quelques clics. Le courtier attribue une adresse internet, un lien particulier (URL). Le jeu consiste à convaincre par tous les moyens la cible d’ouvrir un compte de trading en cliquant sur ce lien. Ce lien a une particularité, il permet au courtier de savoir que c’est grâce à tel ou tel apporteur d’affaire qu’un compte a été ouvert. Cela permet ensuite de le rémunérer en fonction du volume qu’il a apporté. A vous d’inventer la fable qui va amener la victime à cliquer dessus. Certains envoient carrément un mail à leurs proches (famille et amis) pour leur recommander un placement miracle, parfois de bonne foi, mais en général sans leur dire qu’ils sont rémunérés pour cela. Les sites les plus sophistiqués intègrent ces liens à leur contenu pour que leurs lecteurs finissent par ouvrir des comptes.
- Le conseil en investissement (money manager en anglais). Cela fonctionne comme précédemment sauf que cette fois, vous jouez les traders et vous gérez l’argent que l’on vous a confié. Pour cela, vous devez disposer d’une délégation de pouvoir en bonne et due forme et disposer du statut légal de CIF5. Dès lors que le conseiller reçoit une commission sur l’ouverture de compte de trading et qu’il touche des commisisons sur les volumes investis ou les pertes, c’est tout simplement une incitation à escroquer les gens. Nous avons vu passer de nombreux dossiers tragiques dans lesquels des conseillers ont dilapidé l’argent d’épargnants qui leur avaient confié leurs épargnes.
- La marque blanche (white label en anglais). Ici, le conseillé en investissement monte son propre site et recrute une équipe de conseiller. On l’appelle marque blanche parce que ce site est vendu clé en main par un vrai courtier, un site parent, qui est comme dupliqué. Seule l’apparence change. Les flux financiers sont tous redirigés vers le site parent. Par exemple, Tradeo6 est une marque blanche de FX Globe; Cedar Finance était une marque blanche de Tradologic (avant sa disparition subite).
La rémunération se négocie au cas par cas entre le courtier et son partenaire, suivant la position de chacun. Elle peut prendre plusieurs formes :
- D’une commission fixe et unique pour le recrutement d’un nouveau client
- D’un partage des commissions sur chaque transaction
- D’une commission sur les volumes investis
- D’un partage des pertes quand le courtier est teneur de marché
Cibler les plus vulnérables
Il est plus facile de faire croire à un enfant qu’à un adulte au père Noël. Pour le Forex, c’est pareil. Les courtiers ciblent prioritairement des profils plus réceptifs à leur discours. Et dans le petit milieu du Forex, tout le monde connait ces cibles. Certains sites vendent même des listes de victimes potentielles. Plus elles sont fraiches et riches, plus ces listes valent cher. Une liste de victimes déjà essorée ne vaut plus rien. Des victimes de ces arnaques qui avaient donné leurs coordonnées il y a plusieurs années continuent d’être rappelées aujourd’hui, toujours par des sociétés dont elles n’avaient jamais entendu parler.
On peut distinguer trois types de cibles avec des stratégies adaptées pour chacune :
- L’apprenti trader ou “money maker” dans le jargon des call-centers.Son imaginaire est colonisé par le mythe du trader solitaire qui fait fortune en cliquant au bon moment. Il se plonge dans les sites d’analyse technique, la méthode censée permettre de détecter l’évolution du marché à très court terme. Son ambition est souvent une faille psychologique qui va être mise à profit pour lui faire faire des erreurs ou carrément le manipuler. L’infime minorité de ceux qui réussissent à en vivre se contente de revenus tellement modestes qu’ils n’ont rien à voir avec l’image promue par l’industrie du Forex. Et surtout, ils n’ouvrent pas de compte chez des courtiers régulés à Chypre. Chez les “courtiers” chypriotes, on s’arrange pour pousser un gagnant vers la sortie parce que les traders gagnants ne rapportent presque rien au courtier Market Maker.Pour cette cible-là, il se trouve pléthore de sites d’écoles de trading, certains assez bas de gamme et montés par des individus isolés : comment-devenir-trader.com, devenirtrader.net, je-veux-apprendre-a-trader.com, devenir-trader.fr etc… Sur chacun de ces sites, un onglet du genre “choisir son courtier”. Ces sites vont mettre en avant les courtiers avec lesquels ils ont noué les partenariats les plus juteux.
Certaines écoles ont une existence physique. Les cours ou les conseils se déroulent dans des salles de cours. En France, citons Boursier Assistance7, Diamond Academy8, Cotation… Pour ces écoles, l’enjeu, c’est que vous ouvriez un compte de trading en passant par leurs ordinateurs et que vous continuiez à trader sur ce compte après votre diplôme. Cela leur permet souvent de toucher de juteuses commissions. S’ajoute parfois la vente d’ordinateurs parce que le trading vous oblige à acheter une machine très puissante. Tout ce beau monde fréquente des messes annuelles qui contribuent à faire du métier de trader une profession à la portée de tous : Salon de l’analyse technique, nuit du trading…
Il y a quelques années, un “prof de trading” québécois a même eu une idée imparable : vendre une formation au trading sur Groupon! C’est ainsi que Stéphane Leto (Steve au Canada) a lancé son offre sur le site d’achat groupé. A cette époque, il avait noué un partenariat fructueux avec Markets.com, un courtier Forex et options binaires enregistré aux Îles Vierges britanniques et qui appartient au géant israélien des jeux d’argent sur internet, PlayTech9. Depuis lors, nous croyons savoir que Stéphane a monté le site Profession Day Trader. Groupon continue de proposer des formations au trading, dispensées par FX Academy.
L’une des offensives les plus récentes à destination des “money maker”, c’est le “social trading”. La plateforme de trading est censée être un réseau social ouvert où chacun peut voir les performances de trading des autres pour copier leurs stratégies. L’avantage pour ces sites, c’est que les victimes qui perdent de l’argent ne mettent pas un seul instant en doute la réalité des performances et des profils qu’ils suivent. Quand leurs fonds sont partis, ils ont tendance à l’accepter plus facilement et à ne pas se plaindre. Les réseaux les plus connus sont Tradeo (un des pires sites de Forex comme nous l’avons montré), Etoro ou ZuluTrade.
- Le dépendant aux jeux d’argent.Une très grande part de l’industrie actuelle du Forex résulte de la reconversion de sites de jeux d’argent en ligne (casino, poker, blackjack…) nés au moment de la libéralisation des jeux d’argent dans l’Union européenne. C’est dans ces années que sont nées les pires pratiques que l’on a ensuite retrouvé dans le Forex : harcèlement psychologique, manipulation des logiciels, obstacle aux retraits des fonds investis ou gagnés… Déjà des call-centers s’installaient en Israël derrière des sites éphémères parfois régulés dans des pays membres de l’Union européenne parfois pas régulés du tout. Bizarrement, les clients de sites de casino en ligne ont rapidement été démarchés par des commerciaux agressifs qui leur parlent d’un produit financier miracle. C’est le début d’une hécatombe qui va culminer avec la mise au point des options binaires.Les gens qui souffrent d’addiction aux jeux d’argent sont une cible prioritaire pour cette industrie. On retrouve ce profil de joueurs dans les casinos, les hippodromes, les stades. Pour cette clientèle spécifique, l’industrie israélienne du pari en ligne reconvertie dans le Forex a inventé un produit à mi-chemin entre l’investissement financier et le jeu d’argent : les options binaires. Il simplifie l’investissement financier au point d’en faire un simple pari. Pensez-vous qu’un cours de bourse va monter ou descendre? C’est un tour de force extraordinaire parce que cela leur permet de le vendre comme un produit financier et non comme un jeu. Les vendeurs doivent avoir la même régulation financière que tous les courtiers Forex.
Aujourd’hui, les sites d’options binaires sont parmi les plus agressifs de l’industrie. Ciblant toujours les populations les plus dépendantes au jeu d’argent, ils ont investi massivement le sponsoring sportif10, contribuant fortement à sortir ces sites de leur ghetto numérique puant l’arnaque. Leur dernière prouesse: réussir à diffuser des spots publicitaires sur des chaines de télévision comme BFM, Eurosport ou D8. - L’épargnant isolé ou en recherche de rendement financier.
Au départ, il s’agit surtout de retraités plus ou moins seuls, de cadres en fin de carrière, de proches de malades ou des parents de personnes handicapées… Des gens qui prêtent plus le flan à la manipulation psychologique de la part d’agents commerciaux qui vont parfois jusqu’au harcèlement psychologique, en les appelant plusieurs fois par jours. Ce fut la cible de choix des sites non régulés, ceux qui ne craignent pas d’éventuelles poursuites puisqu’ils n’ont aucune existence réelle. Quand ils sont “grillés”, ils disparaissent du web.
Mais au fur et à mesure, cette catégorie s’est ouverte à Monsieur tout le monde, celui qui a mis un peu d’argent de coté et qui cherche quelque chose de mieux que le Livret A. Aujourd’hui, 1 français sur 4 a déjà été démarché par un site de Forex et d’options binaires. C’est le plus inquiétant car ces sites de Forex et d’options binaires ont réussi à devenir “mainstream”, à coloniser notre espace public et à faire partie de nos vies. Il y a les sponsors sportifs mais pas seulement.
Les sites de Forex et d’options binaires ont réussi à percer sur plusieurs sites respectables, parfois des sites d’information journalistique, le plus souvent sous forme de publireportage et en intercalant un ou deux sites entre le site respectable et le site de trading, une façon de se déresponsabiliser en cas de plainte. C’est ainsi que bon nombre de sites d’information ont ouvert leurs portes à des sites de publicité. Ces sites achètent de l’espace a ces titres pour y placer les articles que leurs clients leur demandent de mettre en avant. Et parmi ces clients, que retrouve-t-on? L’industrie israélienne du Scam et parfois du Forex. C’est ce qu’évoque une enquête d’une émission de Canal+ sur les médias, Le Tube, en date du 16 janvier 2016 11. Depuis lors, ces publicités louches ont disparu.
Parfois, c’est le site d’information respectable qui fait lui-même entrer le loup dans la bergerie, comme dans l’affaire de La Tribune et de Forex.fr, que nous avons détaillé dans un article. Le site d’information économique réputé avait tout simplement confié le traitement de son actualité Forex à un site, Forex.fr, qui sous prétexte d’informer innocemment le public sur le Forex, était en réalité l’un des plus gros apporteurs d’affaires de cette industrie..
Des portails comme Forex.fr, il en existe aujourd’hui d’autres : Forexagone, Videobourse, Tribu Forex, Actufinance, Finotec, Investing… Ils se présentent comme d’innocents forums, d’insoupçonnables sites d’information sur la finance… Tous ne visent qu’à une chose, vous faire ouvrir un compte chez un courtier pour lesquels ils sont apporteurs d’affaires.
La retape ou l’ « arnaque dans l’arnaque »
Une fois qu’un client a compris qu’il a perdu son argent et qu’il ne le reverra plus, l’industrie a inventé des “arnaques dans l’arnaque” qui consiste à utiliser l’espoir de récupérer des fonds pour en extorquer de nouveaux. Ces tentatives émanent le plus souvent de sites illégaux, qui se présentent comme des avocats ou des policiers qui sont sur le point de récupérer des fonds. Certains sont allés jusqu’à créer des sites internet de faux cabinets d’avocats. Sauf qu’il faut toujours payer. Notre propre identité a déjà été usurpée à plusieurs reprises à cette fin. Des escrocs ont appelé certains de nos clients en les assurant qu’ils avaient récupéré leurs fonds et qu’il ne restait plus qu’à payer.
Enfin, toutes celles et ceux qui ont un jour ou l’autre rempli l’un de ces formulaires en ligne d’ouverture de compte seront très probablement rappelés par d’autres sites d’escroqueries. En effet, ces sites se refilent les listings de victimes. Même si elle a déjà perdu de l’argent, une victime à de fortes chances de recommencer.
Sources :
1. Article publié sur notre site : Arnaques à l’investissement – Infographie
2. courtier OptionWeb : OptionWeb : le roi du spamdexing
3. FXCM offre d’apporteurs d’affaires : FXCM : services d’apporteurs d’affaires
4. AVATRADE anciennement AVAFX avec son site d’affiliés :
5. CIF – conseillé en investissement financier : CIF
6. TRADEO – notre enquête :
7. BOURSIER ASSISTANCE : www.boursierassistance.fr
8. DIAMON ACADEMY : www.diamond-trading-academy.com/fr
9. Information sur la société PlayTech : PlayTech
10. Notre enquête sur le sponsor dans le sport :
11. emission sur Canal+ : enquête sur Canal+