Un débiteur condamné dans une procédure fait souvent obstacle au droit en recourant à cet effet de manche juridique au terme d’une procédure devant une juridiction.
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ToggleQue faut-il comprendre par organisation frauduleuse d’insolvabilité ?
Le délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité a fait l’actualité dernièrement, à la suite des propos tenus par la Ministre de la Justice ciblant le polémiste Dieudonné, mis en cause pour avoir organisé son insolvabilité afin de se soustraire au paiement de diverses amendes. Que faut-il comprendre par organisation frauduleuse d’insolvabilité ? Dans quelles circonstances une personne peut-elle être sanctionnée pour avoir planifié son insolvabilité ? L’équipe Warning Trading vous répond à travers ce contenu !
Le délit d’aggravation ou d’organisation frauduleuse d’insolvabilité a été introduit en 1983 aux articles 314-7 et suivant du Code pénal. Au départ, l’objectif du législateur était simplement de combattre le non-paiement des pensions alimentaires ainsi que les intérêts et dommages dus aux victimes d’infractions pénales. Mais la loi a évolué depuis.
Aujourd’hui, l’incrimination cible le fait de planifier frauduleusement son appauvrissement dans l’unique optique de se soustraire au paiement de certaines condamnations à caractère patrimonial.
L’article 314-7 du Code pénal décrit clairement les contours de l’infraction. Contre le risque d’insolvabilité frauduleuse du débirentier, il faut préciser que seules certaines créances particulières sont ainsi protégées. Par ailleurs, pour lutter efficacement contre les actes passés en fraude de leurs droits, les créanciers peuvent utiliser certaines procédures civiles en concurrence avec le délit (l’action paulienne par exemple).
Ce type d’incrimination est cependant difficile à prouver en droit et un avocat y réfléchit à deux fois avant de se lancer dans une telle procédure. Il n’est pas facile de démontrer qu’un débiteur a soustrait son patrimoine pour échapper au prononcé d’une juridiction et éventuellement à une amende prévue par la loi.
Tout ceci explique notamment le nombre relativement réduit de condamnations pour organisation frauduleuse d’insolvabilité prononcées par les instances pénales. L’aggravation ou l’organisation frauduleuse d’insolvabilité est durement sanctionnée quand les éléments qui constituent le délit sont caractérisés.
Les éléments constituant le délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité
Pour sa constitution, le délit inclut dans un premier temps l’existence d’une condamnation de nature patrimoniale et celle d’actes d’aggravation ou d’organisation de l’insolvabilité. Comme l’infraction est ici intentionnelle, il faudra apporter la preuve que la volonté d’échapper au paiement des condamnations concernées a réellement été motivée par les actes d’appauvrissement.
La présence d’une condamnation de nature patrimoniale
L’ensemble des condamnations à caractère patrimoniales prononcées par la cour pénale est protégé contre l’organisation frauduleuse d’insolvabilité. Cependant, il faut retenir que c’est seulement les condamnations prononcées par les juridictions civiles en matière d’aliments, quasi délictuelles ou délictuelles qui le sont effectivement.
Les juridictions pénales et les condamnations de nature patrimoniale prononcées
À l’instar du délit prévu par l’article 314-7 du Code pénal, toute personne, malgré sa condamnation à verser une amende par une juridiction pénale, ne s’exécute pas parce qu’elle a frauduleusement planifié son insolvabilité. Ainsi, à la victime de toute forme d’infraction pénale contre les personnes et les biens (blessures involontaires, vol, escroquerie, etc.), il est pénalement condamnable de planifier son insolvabilité dans l’optique de ne pas payer les intérêts et les dommages que la juridiction pénale lui a alloués.
De façon générale, toutes les condamnations financières prononcées par les juridictions pénales à savoir : pénalités fiscales, frais de justice, amendes … sont aussi couvertes par la protection de l’article 314-7 du Code pénal.
Les juridictions civiles et les condamnations de nature patrimoniale prononcées
Comme il a été précédemment évoqué, l’article 314-7 du Code pénal ne protège que les condamnations de nature patrimoniale prononcées par les juridictions civiles en matière d’aliments, quasi délictuelles et délictuelles.
Condamnations en matière quasi délictuelle et délictuelle
Sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, les créances quasi délictuelles et délictuelles protégées proviennent des condamnations prononcées en cas de responsabilité civile. Les condamnations prononcées sur la base des articles 1384 à 1386 du Code civil sont également protégées par extension.
Par exemple, si la chute d’un objet provenant d’un chantier de construction blesse un passant, les intérêts et dommages qui lui seront dus par l’entreprise responsable du chantier seront préservés contre l’organisation frauduleuse d’insolvabilité. Ici, la responsabilité en cause est de nature quasi délictuelle ou délictuelle. Les condamnations qui découleront de celle-ci, selon la nature de la faute commise, entreront alors dans le champ de protection de l’article 314 -7 du Code pénal.
Par contre, une condamnation pour organisation frauduleuse d’insolvabilité ne pourra jamais être prononcée en cas de non-paiement d’une condamnation en rapport avec une créance contractuelle. Étant contractuel, le principe de la créance provenant de la condamnation d’un débiteur en qualité de caution solidaire d’une entreprise est exclu du champ d’application de l’article 314 -7 du Code pénal. Il ne sera donc pas protégé.
Cette distinction du Code pénal se comprend par le fait que le législateur a jugé qu’en recourant à des sûretés comme le nantissement, le gage ou la caution par exemple, il y a suffisamment de moyens pour se précautionner contre le risque d’insolvabilité d’un débiteur contractuel. N’étant pas en mesure de se protéger efficacement, il y a donc lieu de préserver la créance de la victime d’un dommage quasi délictuel ou délictuel contre l’insolvabilité frauduleuse du responsable de son préjudice (généralement inconnu avant la survenance du dommage).
Condamnations en cas de créances d’aliments
Dans le domaine du droit, les « aliments » évoquent les besoins essentiels grâce auxquels une personne assure sa subsistance quotidienne (soins, logement, alimentation, etc.). Par exemple, les créances d’aliments protégées par l’article 314-7 du Code pénal sont celles qui résultent de condamnations au paiement de pensions alimentaires et de créances issues de conventions homologuées judiciairement, portant obligation de verser des contributions, subsides ou prestations aux charges du mariage.
Existence d’actes visant à aggraver ou planifier l’insolvabilité
Ces actes se retrouvent notamment au cœur du délit. L’idée de l’auteur est de faire en sorte d’atteindre un niveau d’appauvrissement pouvant lui permettre de laisser penser que s’il ne paye pas le montant auquel il a été condamné, c’est tout simplement parce qu’il n’en a pas les moyens, et non parce qu’il ne le veut pas et qu’il est de mauvaise foi. Les actes d’aggravation ou d’organisation d’insolvabilité susceptibles d’être réprimés sont clairement définis par l’article 314-7 du Code pénal. Ainsi, les actes visant à :
- Dissimuler ses biens (utilisation de prête-noms, cession fictive de biens, déménagement sans communication de la nouvelle adresse, virement de fonds sur des comptes à l’étranger, etc.) ;
- Dissimuler ou diminuer tout ou partie de ses revenus (dissimulation d’indemnités chômage, de dividendes, de salaires…, la non-perception volontaire de revenus, etc.) ;
- Diminuer l’actif ou augmenter le passif de son patrimoine (destruction de biens personnels, donations, souscriptions d’emprunts, etc.)… sont ainsi incriminés par le texte.
Logiquement, les actes en cause doivent avoir eu pour effet de faire obstacle au paiement (même partiel) des créances protégées pour pouvoir être répréhensibles.
Caractérisation de l’intention frauduleuse en droit
Il est nécessaire d’établir une relation certaine entre la condamnation de nature financière concernée et les actes de dissimulation ou d’appauvrissement volontaire afin que le délit soit constitué. Il faut donc réussir à prouver que la volonté de l’auteur de ne pas payer les frais auxquels il a été condamné est effectivement motivée par les actes d’appauvrissement. Dans ce cas, peu importe que ces actes soient postérieurs ou antérieurs à la condamnation, la seule chose qui compte sera le lien établi entre les deux.
De multiples éléments seront pris en compte par le juge pour caractériser la volonté frauduleuse : le moment auquel les actes litigieux ont été passés, la nature de ces actes, etc. Le magistrat assis cherchera aussi à savoir si ces actes pouvaient être justifiés par d’autres objectifs, ou bien s’ils sont effectivement motivés par la volonté d’échapper au paiement des créances protégées.
Compte tenu de l’explosion des arnaques et du détournement possible d’une procédure par un débiteur, il serait bon de changer le droit et la loi pour donner plus d’effet à la Justice.
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