L’avocat engage des actions juridiques excessives et onéreuses

avocat frais excessif

Il y a souvent un conflit entre l’intérêt de l’avocat et l’intérêt de son client. Dans cette histoire, les frais de justice vont représenter 20 fois le préjudice.

Un litige a 10 000 euros et 143 000 euros de frais d’avocats

Est-il légitime qu’un avocat facture vingt fois plus que le montant d’un litige qu’il représente ? Cette interrogation, bien que la jurisprudence ne l’ait pas encore résolue, a été soulevée par un couple devant le bâtonnier de Marseille, Maître Erick Campana, en 2014.

Emmanuel Fitoussi, Alain Lasserie, Wilfried El Baze et Stéphane Benhamou
Tribunal judiciaire de Marseille.

Les époux ont exprimé leur mécontentement face à une affaire de clôture apparemment anodine. Cette réparation aurait coûté environ 10 000 euros, mais ils ont été confrontés à des frais de justice de l’ordre de 200 000 euros, dont 143 000 euros d’honoraires d’avocat.

Après avoir érigé leur maison sur un terrain en pente, ce couple se retrouve assigné par leur voisine du dessus dès août 2006. Cette dernière les accuse d’avoir enlevé la terre sous leur clôture partagée, provoquant son effondrement. La juge des référés suggère alors une expertise judiciaire pour clarifier les responsabilités.

Ils demandent l’avis du fils de vieux amis…

Le mari confirme : « Nous avons tous accepté, et la juge l’a ordonnée le 12 septembre ». Cependant, par précaution, j’ai demandé l’aide d’un avocat ami de la famille, le fils de vieux amis. À ma grande surprise, il a contesté l’avis de l’expert, estimant qu’il serait défavorable à notre cause.

Cet avocat demande l’arrêt de l’exécution provisoire de l’expertise, arguant d’une violation évidente du principe contradictoire. Cependant, sa requête est rejetée par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, car les parties étaient en accord préalable. Malgré cela, le conseil juridique se tourne vers la Cour de cassation, où, un an plus tard, il subit un nouvel échec. Pour son client, cela représente une amende de 2 000 euros et le remboursement de 2 500 euros de frais d’avocat à la voisine.

Palais de justice d'Aix-en-Provence.
Palais de justice d’Aix-en-Provence.

L’avocat, accompagné d’un huissier, empêche l’expert d’accéder au terrain du côté de son client, lorsque celui-ci convoque les parties le 12 juin 2007. Malgré cela, l’expert rédige un rapport recommandant aux époux de construire, à ses frais, un mur de soutènement. L’avocat tente vainement de faire annuler ce rapport. Il essaie également de récuser les magistrats qui ont refusé sa demande, mais sans succès.

17 condamnations en 8 ans et il s’acharne…

Au cours des huit années suivantes, il fait face à dix-sept condamnations. Face à ces accusations, les époux se tournent vers le bâtonnier en déclarant avoir été abusés dans leur confiance. L’avocat réfute ces allégations, affirmant que chaque action a été entreprise avec le consentement explicite de ses clients, qui lui ont accordé quinze mandats d’extension de mission sur huit ans.

Maitre Campana estime que son collègue n’a pas abusé de la confiance de ses clients, mais a négligé ses devoirs déontologiques en omettant de les dissuader de poursuivre plusieurs procédures excessivement coûteuses par rapport au litige. En conséquence, il ordonne le remboursement de près de 113 000 euros aux clients en 2015.

Action en responsabilité et responsabilité professionnelle de l’avocat

Quant à l’affaire où le premier avocat saisit le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, celui-ci rejette la demande de réduction des honoraires des clients. Selon lui, ces derniers ne peuvent légitimement réclamer une réduction s’ils ont réglé ces honoraires sans protester, même si la deuxième facture, datée du 25 juillet 2007 et s’élevant à 14 352 euros après une provision de 3 588 euros, aurait pu leur faire prendre conscience du montant considérable des honoraires par rapport à l’enjeu du litige.

Bien que les facultés mentales des clients n’aient pas été altérées, le magistrat refuse de se prononcer sur le manquement présumé de l’avocat à son devoir de conseil, estimant que cela relève de la responsabilité professionnelle de l’avocat. Il suggère aux clients de soumettre cette question au tribunal de grande instance, où ils pourraient demander des dommages et intérêts en se référant à la jurisprudence existante concernant les erreurs commises par un avocat lorsqu’il engage des procédures sans utilité ou sans chance de succès.

L’article 490 du code de procédure civile et les procédures inutiles

Dans cette situation, les procédures sont nombreuses et variées. Par exemple, quand l’avocat sollicite l’autorisation d’interjeter appel d’une ordonnance de référé, cette démarche s’avère futile selon l’article 490 du code de procédure civile. De même, lorsqu’il soumet au Conseil d’État le refus du premier ministre d’inclure un article dans ce code concernant les effets temporels des jugements d’incompétence, cette démarche est également vaine puisque cette modification n’aurait aucun impact sur la situation de son client.

Quand l’avocat conteste la nomination de l’expert, cela constitue une procédure superflue car le juge ne peut résoudre une problématique technique sans l’avis d’un expert. De même, en retardant toute décision de fond pendant huit ans, il empêche ses clients d’obtenir une solution rapide et économique, ce qui non seulement n’est pas utile mais également préjudiciable.

Cette histoire rappelle qu’il peut souvent y avoir un conflit entre l’intérêt de la victime, obtenir justice le plus vite possible et à moindre frais, et l’intérêt de l’avocat, gagner de l’argent avec son client et donc possiblement faire durer la procédure le plus longtemps possible.

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Philippe Miller

Philippe Miller

Journaliste professionnel, télé et web, carte de presse n°115527, depuis 2010, spécialiste des arnaques financières, des paradis fiscaux et des mafias.

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