Partie du Nigéria, la cyber escroquerie ou « l’arnaque à l’africaine » a très vite embrasé toute l’Afrique de l’Ouest au point de faire de la Côte d’Ivoire, une référence en la matière. Les brouteurs, comme on les appelle, sont des jeunes de 14 à 35 ans environ. Cachés derrière leurs écrans d’ordinateur, ils ont trouvé en l’avènement d’internet un moyen de gagner illégalement et rapidement de l’argent pour mener des vies de stars. Chassés du Nigéria, les cyber escrocs ont trouvé dans les pays d’Afrique francophone un terrain légal fertile leur permettant de brasser des millions de francs CFA au détriment de victimes d’origine occidentale qui peinent à les traquer.
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ToggleLes origines du fléau : entre chômage et vengeance.
Selon plusieurs jeunes interrogés, le premier motif de leur intérêt pour ces activités est la pauvreté et par ricochet, les difficultés liées à la poursuite des études. En effet, ils sont nombreux à s’engager dans la cyber-escroquerie pour financer leurs études. Au départ, il ne s’agit que d’activités provisoires. Mais très vite, le piège se referme et il est difficile d’y échapper. Aussi, les difficultés d’insertion professionnelle et le chômage jouent fortement en défaveur des jeunes. Le besoin d’indépendance financière prend alors le dessus sur la moralité.
Cependant, pour d’autres jeunes, pourtant bien nantis, il s’agit d’une question de plaisir, de goût de l’aventure. Ceux-là apparemment ne manquent de rien et ont même la possibilité de poursuivre leurs études dans de grandes écoles, pour les plus jeunes. Les raisons les plus courantes dans ces cas sont les fréquentations et l’éducation de base. Quoi qu’il en soit, l’enrichissement rapide est l’objectif commun.
Pour légitimer leur activité, ces jeunes avancent comme première excuse la volonté de faire payer aux Européens l’esclavage subi par leurs aïeux durant la traite négrière. En outre, ils estiment que la colonisation est la cause des maux actuels des États africains sur le plan socio-économique et que faire des victimes européennes n’est qu’un juste retournement de situation dont ils sont les militants. Cependant, le constat est que les victimes se comptent également par milliers dans le rang des Africains, même si les cibles privilégiées sont bien européennes.
Les méthodes utilisées
Les méthodes employées aux débuts de l’existence du fléau dans les années 80 sont désormais répandues, Il s’agissait entre autres des propositions de prêts, des relations amoureuses fictives, de la vente fictive de biens meubles – notamment dans le domaine de l’art – ou de biens immeubles.
Un procédé encore plus récent consiste pour ces escrocs à se faire passer pour des agents des centres de lutte contre la cybercriminalité. Ainsi, ils font croire à leurs victimes qu’ils vont les aider à traquer leur arnaqueur. Ce qui nécessite évidemment des frais de procédure comme dans les cas précédents. Cette étape intervient dès que la victime se rend compte de la supercherie au niveau des premières techniques employées par ces mêmes escrocs. Raison pour laquelle, pour éviter d’en arriver là, ces jeunes rôdent de plus en plus le système d’escroquerie en se dotant de moyens plus modernes comme la conception de sites web aux allures très professionnelles. Certains forment des groupes avec des attributions de rôles par compétence où sont inclus même des agents des services de transfert d’argent. Comme les jeunes entreprises qui veulent prospérer, ils ne lésinent pas sur les moyens. Ils investissent. Et pour les plus persévérants, la rentabilité est au rendez-vous.
Au Nigéria, d’où est parti ce type de fraude avant de s’étendre dans toute l’Afrique de l’Ouest, une étude de l’agence privée d’investigation UltraScan réalisée en 2005 estime à 3,2 milliards de dollars le montant extorqué dont 25 % aux États-Unis, 15 % au Royaume-Uni et 10 % au Japon et en Espagne. Dans ce même État, ces chiffres élèvent cette fraude au rang de seconde activité « économique ».
En dix ans, l’arnaque aurait causé 13 000 faillites, 90 000 pertes d’emploi et 12 000 ventes forcées de résidence principale.
De l’argent pour quoi ?
Tout d’abord pour les loisirs. La majeure partie des revenus engrangés sert à cela. Boîtes de nuit, débits de boissons, journées shooting, voitures de luxe, prostituées, etc. Ces jeunes animent les nuits dans les capitales africaines, claquent des sommes faramineuses en une soirée, s’habillent et se coiffent dans un style ghetto. Ils profitent au maximum d’un train de vie qu’ils n’ont pas eu la chance d’avoir jusque-là. Ils ne semblent pas se soucier de l’instabilité de leurs revenus. Les journées shooting qui consistent en la formation de convois pour faire du shopping, prises de photos à l’appui, finissent habituellement autour de bouffées de chichas, en compagnie de bouteilles de whisky ou de bières.
Pour les plus réfléchis, la cybercriminalité n’est qu’une alternative provisoire. Le temps de se construire une vie plus saine. Ils investissent ordinairement dans les boutiques de prêt-à-porter, achètent des parcelles, construisent des maisons, font des économies et se retirent.
Et on les laisse faire.