Que penser d’Equisafe? Nous lançons un appel à avis et témoin concernant cette offre de financement participatif lié à Greenbull Group.
Pourquoi l’affaire Visiomed attire l’attention sur Equisafe?
Notre enquête sur l’affaire Visiomed nous a incité à nous intéresser à Equisafe.
Dans une interview de l’ancien DAF d’une filiale de Visiomed (devenu Klea Holding), nous avons raconté comment Visiomed a été artificiellement valorisée pour tromper des actionnaires, sans doute pour permettre à un fonds vautours d’en piller la valeur. Visiomed a par ailleurs fait l’objet de lourdes sanctions de la part de l’Autorité des Marchés Financiers en novembre 2023.
Or, nous avons découvert qu’Equisafe avait participé à un appel de fonds lancé par Visiomed. Nous avons également découvert qu’Equisafe est proche de Yann Darwinn et de Greenbull, une officine qui a justement servi à diffuser de fausses informations pour faire monter artificiellement le cours de Visiomed.
Une plateforme de crowdfunding pour le capital-risque
« Equisafe rassemble tout ce dont vous avez besoin pour trader et investir dans des entreprises: crowdequity, marché d’actions de gré à gré, private equity digitalisé, suivi de portefeuille… Vous le nommez, nous l’avons fait ». C’est ainsi qu’Equisafe se présente.
Equisafe est donc une « plateforme de financement participatif ». Son originalité n’est pas dans le concept de financement participatif mais dans ce à quoi elle l’applique. Equisafe propose d’abonder des sociétés ad hoc (qu’elle présente comme des SPV) pour réaliser des prises de participations purement financières de plusieurs millions d’euros. Au total, le site prétend avoir déjà réuni plus de 35 millions d’euros.
Le fonctionnement de type plateforme de crowdfunding appliqué à des montants aussi élevé peut surprendre. L’investissement minimal est de 10 000 euros et il semble possible de les placer en quelques clics.
Le site met en avant la possibilité de participer à des opérations aux côtés de gros acteurs du secteur.
A la tête d’Equisafe: qui est Maxime Sarthet?
Equisafe est majoritairement possédée par Maxime Sarthet et dirigée par lui via Sarthet Capital.
A tout juste 30 ans, Maxime Sarthet se présente publiquement comme un important investisseur ayant pris des participations dans des groupes parmi lesquels on retrouve justement plusieurs cibles proposées par Equisafe comme Visiomed Group ou Père et Fish.
Greenbull et Equisafe sont partenaires: cela doit-il inquiéter?
Ce qui autorise à s’inquiéter de ce que cache Equisafe, c’est de retrouver un acteur franchement sulfureux comme Greenbull.
« Equisafe est partenaire de Greenbull » peut-on entendre dans cette vidéo. Maxime Sarthet se présente d’ailleurs comme l’un des propriétaires de Greenbull en tant qu’actionnaire. Or Greenbull est un groupe opaque et dangereux sur lequel nous avons déjà publié cet article. Il a été à l’origine d’au moins une arnaque au trading appelée aryatrading.com.
Récemment, l’un de ses animateurs, Yann Darwinn, a participé à une opération de manipulation de cours, manifestement pour attirer de petits porteurs sur le titre de Visiomed. Nous l’avons raconté en détail dans cet article. Visiomed a elle-même fait l’objet de sanctions de la part de l’AMF pour des faits semblables.
Equisafe vous propose de vous acheter des SPV. Ca veut dire quoi?
Pour investir sur une valeur cible, Equisafe propose de créer en crowdfunding un « SPV ». « Ca vient vraiment de nos amis anglais. On a copié ce qui se faisait là-bas et on l’a amené en France » explique Maxime Sarthet qui ajoute: « Un SPV c’est la boulangerie qui est en bas de chez toi », ce qui ne contribue pas à rendre le concept plus précis…
SPV est l’acronyme de « Special Purpose Vehicule ». Ce terme n’est pratiquement pas employé en France où on le traduit généralement par « Société ad hoc », c’est-à-dire une « structure juridique créée spécifiquement pour mener à bien une opération pour le compte d’une organisation publique ou privée ».
Gageons que SPV fait plus cool et plus exotique pour vendre de la haute finance. Mais ce choix n’est pas pour rassurer. Dans le monde anglo-saxon, SPV est fréquemment utilisé comme synonyme de finance offshore.
« Special Purpose Vehicule » est un terme de la finance offshore
Les SPV étaient des « filiales de grandes entreprises destinées à l’origine à servir d’instrument de gestion du risque ». Mais au fil du temps, « certaines faiblesses dans leur régulation comptables ont permis d’autres formes d’utilisation ». Elles sont désormais utilisées pour trois grandes fonctions: « changer le lieu de résidence de l’individu ou de l’entreprise concerné, changer l’origine géographique de ses revenus, créer une toile complexe de dissimulation ». Le même auteur précise: « l’objectif final est toujours le même: permettre de donner un voile légal à des opérations qui, en général, ne le sont pas ».
Les SPV les plus connus et les plus utilisés sont classiquement l’IBC, la fondation, le trust ou l’Anstalt que les lecteurs de Largo Winch connaissent bien.
Ces sulfureuses SPV qui sont le business as usual des paradis fiscaux de la planète et des cabinets d’avocat de l’offshore magic circle, c’est aussi un service secondaire que propose Equisafe. En effet, le site internet indique qu’il est possible de s’adresser à Equisafe pour s’acheter une telle société. Mais le site ne donne pas beaucouip de détails.
Equisafe veut démocratiser l’accès au SPV pour des projets d’investissements
L’objectif d’Equisafe, c’est donc de permettre aux épargnants de devenir actionnaire d’une entreprise en les créant à la demande et dans toutes les activités économiques possibles. L’objectif est de créer une petite communauté d’actionnaires mobilisée pour un investissement précis. Equisafe a décidé de les appeler SPV plutôt que FCP, SCI ou tout simplement « entreprise ».
Ce faisant, Equisafe s’inscrit dans une évolution de la finance vers le crowdfunding ou Financement participatif qui consiste en désintermédiation permise par les nouvelles technologies pour permettre au grand public de financer des projets demandant d’importants investissements.
D’ailleurs, jusqu’en 2023, Equisafe bénéficiait du statut de CIP, c’est-à-dire de « conseiller en investissement participatif », avant d’être radié de l’ORIAS. Son entreprise soeur Equisafe Invest dispose pour sa part du statut de « Prestataire de services de financement participatif » (PSFP). Equisafe et Equisafe Invest sont également inscrites auprès de la Banque de France comme « Agent prestataire de services de paiement ».
Plus de 150 SPV, 100 créations de comptes et 1 à 3 millions d’euros par mois
« On a un peu plus de 150 SPV en gestion chez Equisafe » explique Maxime Sarthet dans cette interview dans laquelle il ajoute: « On fait 1000 création de création de compte par mois » ou encore « On doit tourner entre un et trois millions de volume d’affaire par mois ».
Ces chiffres peuvent surprendre puisqu’Equisafe est supposé administrer tous les SPVs requérant un financement public Or, un coup d’œil au registre du commerce et des sociétés ne laisse pas apparaître qu’Equisafe administre autant d’entreprises.
Après la crowdfunding, la tokenisation de l’investissement
L’ultime étape du crowdfunding, c’est la tokenisation, c’est-à-dire la digitalisation sur la blockchain des registres de titres financiers. L’idée, c’est de transférer le modèle du crowdfunding dans la crypto pour le rendre totalement autonome et diminuer encore le niveau d’intermédiation.
Dans ce domaine, Maxime Sarthet prétend avoir réalisé « la première transaction immobilière tokenisée en Europe » grâce à un outil qu’Equisafe aurait développé. Des perspectives qui justifient des recrutements chez Equisafe. « On est 13. On va finir à 15-20 d’ici la fin de l’année » expliquait Maxime Sarthet en 2013.
Pour rédiger cet article, nous avons sollicité Equisafe afin de lui poser des questions. Nous avons commencé à échanger avec Baptiste Rockenstrockly, le jeune directeur juridique d’Equisafe. Mais nos échanges se sont subitement arrêtés malgré nos relances et sans explication de la part d’Equisafe.
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