Un nombre considérable de demandes de dépôts de plaintes liées aux escroqueries aux faux investissements et à la fausse récupération de fonds déferlent non-stop depuis 2013 dans les commissariats de police de quartier et dans les gendarmeries de campagne. Des dizaines de milliers de victimes, désemparées et désarmées ont pour premier réflexe de se rendre devant un agent de police afin d’expliquer, souvent de manière confuse, leur mésaventure.
Le parcours du combattant
La charte des victimes scotchée sur le mur délavé de nos commissariats est claire. On peut lire à l’article 5 : « Les services de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions pénales, quel que soit le lieu de commission ». Mais la réalité en est toute autre. Les victimes desdites escroqueries ont malheureusement bien du mal à déposer leurs plaintes. Globalement, la raison de ce paradoxe est double. D’une part, il faut dire que la méthode employée par les escrocs est très sophistiquée et par conséquent difficile à expliquer et mentionner les éléments déterminants, et d’autre part, les agents de police judiciaire manquent souvent de formation adéquate sur le sujet.
Bon nombre de victimes se retrouvent alors dans une impasse et repartent bredouille sans possibilité d’un dépôt de plainte. Il leur est simplement conseillé après les avoir dissuadé de toute action de déposer une plainte directement auprès d’un procureur. Une sorte de passage de témoin sous la forme d’une patate chaude.
Nous avons voulu en savoir plus et avons pris contact auprès d’un commissaire de police en fonction dans le sud de la France afin qu’il nous explique pourquoi les APJ (Agent de police judiciaire) ou OPJ (Officier de police judiciaire) refusent le plus souvent de prendre leur plainte. Plusieurs raisons sont évoquées. La principale concerne l’insuffisance d’information présentées par la victime. En effet, sans éléments concrets le fonctionnaire ne va pas pouvoir retranscrire de manière évidente le « modus operandi » et va refuser à la victime le dépôt de plainte pour manque d’information.
« Le policier sait que cette plainte n’aboutira pas. Depuis le début de l’année mes effectifs ont baissé de 35 %. Il nous est donc demandé de n’intervenir que sur des cas concrets. Eh oui !! nous sommes une entreprise maintenant avec des coûts et par conséquent comme chef d’entreprise et malgré moi j’emploie mes fonctionnaires sur des enquêtes qui rapportent le plus. Les gros cambriolages, vols à main armée et les affaires dites politiquement médiatiques. Mais l’escroquerie aux faux investissements ou à la fausse récupération de fonds commise par des personnes à l’extérieur du pays ce n’est pas le principal objectif qui nous est demandé étant donné les difficultés de ces dossiers. » Nous explique le commissaire.
A plusieurs reprises les différentes brigades financières nous ont bien précisé que les services spécialisés seront plus à même de prendre les plaintes de ce type d’escroquerie. Une démarche qui reste tout de même compliquée pour des personnes le plus souvent honteuses de ce qu’il leur arrive. L’intérêt de passer par un fonctionnaire de police permet d’aller plus vite qu’une plainte adressée directement au parquet. En effet, les APJ ou OPJ trient les différentes demandes de plainte et leur expérience permet de mettre en évidence les éléments techniques permettant une bonne compréhension du dossier.
A quoi sert la plainte ?
Entendons-nous bien, déposer une plainte pour escroquerie permettra dans le meilleur des cas la saisie d’un juge d’instruction avec constitution de partie civile. Il s’agira alors d’une très longue procédure pénale contre des individus appréhendés et confondus par la police après une longue enquête si ces derniers sont retrouvés. La plupart de ces organisations sont hors du territoire de l’UE et dans l’anonymat le plus complet – fausse identité, fausse adresse, numéro de téléphone sur IP, complicité dans les ouvertures de comptes bancaires avec des gérants de paille.
Cette procédure a peu de chances d’aboutir à moins que les escrocs soient démasqués. En revanche, cette plainte est importante dans les actions de récupération par voie bancaire. Cependant, il est important de signaler qu’elle ne permettra pas aux victimes, à elle seule, de récupérer les fonds envoyés dans des banques étrangères.
L’attente à risque
Dépôt de plainte en poche, s’ensuit une longue attente en espérant qu’un procureur en prenne connaissance. Cette phase d’attente peut être longue. C’est d’autant plus long qu’il n’y aura aucun contact pendant cette durée entre l’administration judiciaire et la victime qui porte plainte. Passée par la case faux investissement l’arnaque à la fausse récupération leur pend au nez. C’est dans cette période que les victimes peuvent être contactées par leurs escrocs pour à nouveau les inciter à verser de l’argent, mais cette fois-ci dans le cadre d’une arnaque à la fausse récupération de fonds.
Dans le jargon judiciaire du « Château des Rentiers » on appelle cela de la « retape » ou plus communément le « mille-feuille ». Une compilation d’escroqueries les unes sur les autres auprès de la même victime complètement désabusée recevant l’information que son argent a été retrouvé. La victime devrait s’acquitter d’un paiement de 15% de frais bancaires ou de TVA. Pire encore, elle devra payer des pénalités d’impôt pour ne pas avoir déclaré une ouverture de compte à l’étranger. Le but consistant à soutirer à la victime le moindre euro restant, s’applique de la même manière que pour les faux investissements dans un esprit condescendant, direct et sans scrupule.
Le point final va arriver de longs mois plus tard, sous la forme d’une enveloppe à l’entête d’un tribunal. Enfin une réponse ! Impatient de l’ouvrir, c’est la déception. Un sentiment d’impuissance, d’impunité et surtout d’injustice : Le classement sans suites …