Ce 15 mai 2018, l’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac, vient d’être condamné, en appel, à 300 000 euros d’amende, 5 ans d’inéligibilité et quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale.
Bref rappel des faits
En décembre 2012, Jérôme Cahuzac, alors ministre du gouvernement socialiste, est mis en examen pour fraude fiscale à la suite de révélations du site d’informations Médiapart sur l’existence de fonds non déclarés en Suisse et à Singapour.
Après avoir soutenu formellement que tout cela n’était que mensonges et diffamation devant l’Assemblée Nationale puis devant la presse en février 2013 « Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse, ni maintenant ni avant. Il faut en finir avec ces saletés » avait-il déclaré sur BFM-TV et RMC, Jérôme Cahuzac a fini par avouer qu’il possédait bien un compte en Suisse (crédité de 600 000 euros) dès le 2 avril 2013 devant les Juges d’instruction.
En décembre 2016, il est condamné en première instance à 3 ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité. Il fait appel pour ne pas passer par la case prison et s’entoure alors d’une équipe d’avocats hors pairs dont Eric Dupont-Moretti.
En mai 2018, le verdict tombe. Jérôme Cahuzac « réussit » à ce que sa peine soit aggravée avec 4 ans de prison tout en lui permettant néanmoins d’échapper à l’incarcération. Le double objectif est atteint : la Justice poursuit sa supposée « fermeté » devant l’opinion publique et le condamné n’aura très probablement pas à supporter la privation de liberté.
Pas de prison pour les fortunés
Prochainement, un juge d’application des peines doit décider, dans une audience à huis clos, si Jérôme Cahuzac sera effectivement incarcéré.
En effet, la législation française permet aux personnes condamnées à des peines inférieures ou égales à deux ans de prison ferme de pouvoir aménager leur peine en échange d’obligations comme le port d’un bracelet électronique. L’objectif d’un tel système ?
Ne pas rompre le lien social du condamné mais surtout, éviter l’engorgement des prisons qui sont déjà en sureffectif. « Les poursuites pénales contre les contribuables fortunés restent rarissimes. Dans ce domaine, la souveraineté de l’État se borne au recouvrement… d’une partie des sommes détournées » souligne le sociologue Alexis Spire dans une tribune du Monde Diplomatique.
Les conséquences positives de cette affaire
Face à cette condamnation juridique qui peut nous indigner puisqu’elle est loin de porter l’exemplarité, on peut cependant se satisfaire de la mise en place, dans la foulée de cette affaire Cahuzac, du Parquet National Financier (PNF) et de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique obligeant les représentants publics à déclarer leur patrimoine et les potentiels risques de conflits d’intérêts inhérents à leur position.
Depuis 2014, le PNF a infligé 1,2 milliard d’euros d’amendes, condamnations et confiscations diverses.
Reste désormais à optimiser le champ d’action du PNF à l’optimisation et l’évasion fiscale des multinationales et surtout, lever le « verrou de Bercy » qui rend la justice encore trop dépendante du ministère du Budget pour se saisir des affaires de fraude.