Quand commence le délai de prescription à partir duquel une action en responsabilité contre avocat devient possible? Cette question a changé de réponse.
Sommaire
Toggle- Quand un avocat comment une erreur procédurale
- Délais de 5 ans à partir de la « fin de la mission »
- Il engage la responsabilité de son avocat
- Revirement de jurisprudence
- L’avocat omet de déclarer une créance de 780 000 euros au liquidateur d’une société
- L’article 2225 du code civil contesté devant le Conseil constitutionnel
Quand un avocat comment une erreur procédurale
C’est une information importante, la Cour de cassation a récemment ajusté sa position juridique concernant les délais de prescription pour les actions en responsabilité engagées à l’encontre d’un avocat pour une faute de procédure.
Il arrive parfois qu’un avocat, chargé de défendre les intérêts d’un client, commette une erreur procédurale. Cela peut priver le client de l’issue favorable qu’il espérait pour son procès, parfois même le plonger dans des difficultés financières. Cependant, le client a la possibilité de réclamer des dommages et intérêts à l’avocat via une « action en responsabilité ».
Délais de 5 ans à partir de la « fin de la mission »
Pour entamer cette action, le client n’a pas le bénéfice du délai habituel de prescription de cinq ans à partir du moment où il a eu connaissance de la faute. Au contraire, il doit se conformer à un délai fixe de cinq ans à partir de « la fin de la mission » de l’avocat, tel que stipulé à l’article 2225 du code civil.
Réclamant une modification de ce régime dérogatoire, deux plaignants ont porté la question devant la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel. Le premier a vu son appel pour un jugement de divorce être déclaré caduc le 9 octobre 2012, car son avocat, n’avait pas déposé les conclusions à temps.
Il engage la responsabilité de son avocat
Après avoir consulté un autre avocat, ce client a engagé une action en responsabilité contre son premier avocat le 16 octobre 2017. Cependant, son premier conseil a fait valoir que cette action était elle-même prescrite, arguant que la jurisprudence interprète la « fin de la mission » comme la date du prononcé de la décision de caducité, fixée au 9 octobre 2017. Cette interprétation considère que l’action en responsabilité était prescrite à cette date.
Finalement, ce client a obtenu gain de cause devant la cour d’appel d’Agen (Lot-et-Garonne) le 6 avril 2022.
C’est une évolution significative dans le domaine juridique. Devant la Cour de cassation, l’avocat mis en cause a plaidé que la mission de l’avocat englobait la durée du recours contre l’ordonnance de caducité, ce qui prolongeait le délai litigieux de quinze jours et empêchait la prescription. Cette interprétation se conforme également à d’autres textes qui ne fixent pas la fin de la mission au moment du prononcé de la décision.
Revirement de jurisprudence
La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence le 14 juin (2023, 22-17.520), en établissant que le point de départ de l’action devait être l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l’instance, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date. Comme il avait été mis fin aux relations entre l’avocat et le client le 23 octobre 2012 par écrit, son action n’était pas prescrite le 16 octobre 2017.
Suite à cette décision, sa demande d’indemnisation sera à nouveau examinée par la cour d’appel de Toulouse (Haute-Garonne). C’est un changement important dans la manière dont les délais de prescription sont interprétés dans les actions en responsabilité vis-à-vis des avocats pour faute professionnelle.
L’avocat omet de déclarer une créance de 780 000 euros au liquidateur d’une société
En effet, pour la décision de la Cour de cassation ne semble pas impacter sa situation de la seconde victime. Elle n’a eu connaissance des fautes commises par son avocat, qu’après cinq années, en 2011. Celui-ci avait notamment omis de déclarer une créance de 780 000 euros au liquidateur d’une société.
Malgré l’introduction de son action en 2017, le délai de prescription a été considéré comme écoulé, car la connaissance des fautes a été acquise après le délai de prescription applicable. Donc, la décision de la Cour de cassation, bien qu’elle ait élargi le point de départ de l’action pour la première affaire, n’a malheureusement pas modifié la situation pour la seconde justiciable.
L’article 2225 du code civil contesté devant le Conseil constitutionnel
Il semble que Mme Z ait contesté l’article 2225 du code civil devant le Conseil constitutionnel, arguant qu’il porte une « atteinte excessive » au droit d’accès au tribunal en faisant courir le délai de prescription avant même que la victime ait eu connaissance des faits lui permettant d’agir. Son avocat, Me Alain Benabent, a dénoncé devant le Conseil constitutionnel un texte qu’il qualifie de « corporatiste », ne concernant pas les professionnels du conseil et étant « particulièrement spoliateur pour les victimes ».
Cependant, le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 28 septembre (2023, 2023-1061 QPC, question prioritaire de constitutionnalité) en jugeant que l’article 2225 est « conforme à la Constitution ». Cette disposition permet d’éviter aux avocats d’avoir à conserver indéfiniment les pièces de leurs dossiers, nécessaires à leur défense, ce qui serait excessivement coûteux pour eux.
Néanmoins, le Conseil constitutionnel n’a pas précisé si les victimes peuvent invoquer l’article 2234 du code civil, comme l’a suggéré Me Jean de Salve de Bruneton, défenseur de l’avocat mis en cause. Cet article prévoit la suspension de la prescription pour celui qui est dans l’impossibilité d’agir en raison d’une « force majeure », telle que l’ignorance de la faute. Cette question reste donc en suspens.
Retrouvez notre rubrique consacrée au droit.