A sa création, le secret bancaire avait pour ambition de respecter le droit à la propriété. En guise de symbole : les trois clefs du logo de la banque suisse UBS matérialisant la confiance, la discrétion et la sécurité… Malheureusement, ce secret bancaire si louable à ses débuts, en 1934, a été vidé de sa substance pour devenir une boîte noire dans laquelle se mêlent évasion fiscale, montages financiers, comptes offshores etc… Après les initiatives américaines pour réduire ces dérives, 87 pays comptent s’appuyer sur l’échange automatique de renseignements dès septembre 2017. Aperçu.
Avec la réglementation FATCA (Foreign account tax compliance act) adoptée en 2010 aux Etats-Unis et faisant suite aux procès de l’administration fiscale américaine à l’encontre d’UBS et du Crédit Suisse, c’est apparemment un grand coup de pied dans la fourmilière du secret bancaire qui a été donné… Crise oblige, c’est au tour de Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques d’affirmer en juillet 2016 : « Le secret bancaire en Europe, c’est fini ». A cette date, un accord entre l’Union européenne et Monaco avait approuvé la mise en place de l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires à partir de septembre 2017. Au préalable, des accords similaires avaient déjà été ratifiés entre l’UE et plusieurs pays adeptes du secret bancaire comme le Luxembourg, l’Autriche ou encore la Belgique.
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ToggleVers un nouveau déséquilibre mondial du secret bancaire?
Approuvés par 87 pays dont 34 membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), mais rejetés par les Etats-Unis, la convention multilatérale d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale, appelée NORME, a été développée par l’OCDE dès février 2014 à la suite du sommet du G20 de Moscou en septembre 2013. « La nouvelle norme s’inspire largement des travaux antérieurs de l’OCDE dans le domaine de l’échange automatique de renseignements, elle intègre les progrès réalisés au sein de l’UE, tout comme les normes internationales de lutte contre le blanchiment, la mise en œuvre du FATCA ayant agi comme un catalyseur pour le passage à l’échange automatique de renseignements dans un contexte multilatéral » précise le site de l’organisation.
Que peut-on attendre réellement de cette NORME visant à faciliter les enquêtes d’un pays tiers sur les avoirs à l’étranger de ses ressortissants ?
Selon Eric Vernier, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste du blanchiment de capitaux et directeur de l’Institut de la responsabilité sociétale par l’Innovation (IRSI) au sein du Groupe Sup de Co La Rochelle : « Même si c’est une avancée, cette norme de l’OCDE ne signera pas la fin du secret bancaire. De plus, les échanges d’informations ne concerneront pas tous les types d’informations bancaires comme les mouvements des fonds, les investissements non financiers ou encore les sociétés dont le solde de compte est inférieur à 250 000 USD ». Bien qu’elle s’en inspire, la NORME est loin d’être comparable au système mis en place aux Etats-Unis.
« Avec la loi FATCA, c’est vraiment un envoi d’informations de manière systématique vers les Etats-Unis dès lors que le client est Américain et réside dans un autre pays. Mais, en contrepartie, les Américains, n’appliquent pas la réciprocité puisqu’ils ne sont pas dans l’obligation d’envoyer les informations bancaires d’un ressortissant étranger vivant dans leur pays » précise Eric Vernier.
Une longueur d’avance pour les plus informés
Comme l’accord de l’OCDE n’entrera en vigueur qu’en septembre 2017 voire 2018 pour certains pays signataires, l’effet de surprise ne sera pas au rendez-vous. Depuis l’annonce de la mise en place de cette convention, en 2014, on aurait pu penser que les détenteurs de capitaux cachés allaient utiliser de nouveaux montages juridiques ou bien qu’ils allaient déplacer leurs fonds vers un pays non signataire de cette NORME.
« Depuis longtemps, on a vu les capitaux se diriger vers l’Asie, et notamment Singapour et Hong Kong, et les pays du Moyen-Orient comme Dubaï. Cette tendance a pu certainement s’amplifier avec ces mesures » souligne le directeur de l’IRSI.
Oppressés par les dettes nationales, les pays signataires de cette convention n’ont qu’un objectif en tête : récupérer les taxes de ces capitaux cachés à l’étranger par leurs résidents fiscaux. Pour beaucoup de spécialistes de la fiscalité à l’échelle internationale, une fraction seulement de ces actes frauduleux sera repérée.
Pour Eric Vernier : « Les gagnants seront, comme toujours, les multinationales ou les particuliers les plus aisés, pas forcément des milliardaires, qui sauront s’entourer des meilleurs conseillers financiers pour réaliser des optimisations fiscales sauvages ».
Les banques : complices et acteurs de l’optimisation fiscale
Ce lundi 27 mars, un rapport publié par l’ONG britannique Oxfam pointe du doigt l’utilisation démesurée des paradis fiscaux par les plus grandes banques européennes. Un quart de leurs bénéfices totaux, soit 25 milliards d’euros, sont déclarés dans les pseudos paradis fiscaux avec une préférence pour le Luxembourg, Hong-Kong et l’Irlande. En France, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC et Société Générale auraient déclaré 5,5 milliards d’euros de bénéfices dans les paradis fiscaux.
Avec un secret bancaire qui résiste et une frontière entre optimisation fiscale et évasion fiscale difficile à définir, le bruit des effets d’annonce sur le sujet n’est pas près de s’arrêter!