Quelles sont les différences entre les produits risqués à fort levier proposés par les institutions bancaires et ceux offerts par les courtiers du forex? Enquête.
Avec les mises en garde successives des gendarmes boursiers, les investigations de la presse et la mise en place de l’article 28 de la Loi Sapin 2, l’étau se resserre autour des produits financiers risqués à effet de levier tels que le Forex ou les CFD (Contract for Difference). En contrepartie, les produits à effet de levier proposés par les institutions bancaires, tels que les warrants, les turbos et les certificats, ne déclenchent pas de réaction particulière. Au contraire, l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), avance que ce type de titres bancaires sont garants d’une certaine sécurité pour l’investisseur, car ils sont soumis à prospectus.
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ToggleLes produits dérivés ont plus la côte que les produits d’investissements
Selon l’AFPDB (Association française des produits dérivés de Bourse) le montant des transactions des produits à effet de levier a atteint 7,05 milliards d’euros en 2015, soit 96% de la totalité des produits de bourse et en augmentation de 17,2% par rapport à 2014. Les warrants affichent un volume de 1,8 milliard d’euros contre 2,9 milliards pour les turbos. Selon Marc Dagher, CEO de DT Expert « Le profil des particuliers achetant des warrants ou des turbos est plutôt le jeune retraité actif et on retrouve aussi, de manière plus institutionnelle, des jeunes qui se couvrent avec ce genre de produits ». Le montant moyen investi en France est compris entre 2000 et 2500 euros. Tout comme les CFD, les warrants et les turbos s’inscrivent dans une stratégie de court terme (facteur temps pour les warrants, facteur barrière désactivante pour les turbos). Ils permettent de parier sur une revalorisation de l’actif sous-jacent (indice, action, devise, matière première, etc.). Un call permet de se positionner à la hausse du cours du sous-jacent et un put à la baisse. A contrario des CFD, la perte maximale est limitée au montant de la somme investie. « La différence est moins dans l’effet qui va être réalisé que dans la législation. Dans l’absolu, un CFD sera plus facile d’appréhension. En revanche, vous pouvez perdre plus que votre mise de départ » précise Marc Dagher. Historiquement en France, les warrants et les turbos sont commercialisés par un petit nombre d’établissements bancaires, dont BNP Paribas, Société Générale, Commerzbank, Citi et Unicredit. Depuis 5 ans, la communication sur ces produits dérivés bancaires a beaucoup évolué, passant des revues spécialisées et séminaires aux sites Web éducatifs, à la vidéo et aux réseaux sociaux. Autrement dit : une connexion à internet et un PC suffisent pour tenter sa chance sur ces produits dérivés bancaires. Cependant, Alban Soubigou, responsable Europe des Warrants chez Citi ajoute: « Quand un client ouvre un compte avec un courtier en ligne ou avec un gestionnaire sous mandat, il répond à un questionnaire vérifiant son expérience, son aversion au risque et sa compréhension du marché et des risques associés. Nous cherchons avant tout des investisseurs sérieux sur le long terme, nous ne sommes pas dans la politique de la terre brûlée« .
Le prospectus : un gage de sérieux?
Lors de l’émission Intégrale Placement sur BFM Business du 22 septembre 2016 intitulée « Est-ce raisonnable pour un particulier de se lancer dans le trading? », Benoit de Juvigny, le secrétaire général de l’AMF, souligne que « contrairement aux CFD, les warrants, certificats et turbos sont soumis au prospectus et aux documents commerciaux associés vérifiés par l’AMF« . Lors d’un placement de titres, les banques en charge doivent diffuser une documentation écrite officielle qui prend la forme d’un prospectus, terme de 2004 faisant suite à l’appellation « notice d’information ». Ce dernier regroupe un document descriptif de l’entreprise et la note d’opération qui comporte des informations mises à jour annuellement comme la performance des fonds et la rotation du portefeuille. En parallèle, les conditions définitives du produit émis seront également publiées et soumises à validation par l’AMF ou par le régulateur dans lequel la banque émettrice est basée. Pour aller plus loin, nous avons voulu comprendre comment ce prospectus protégeait le futur investisseur. Même si la question peut paraitre non polémique au premier abord, peu de nos sollicitations n’ont reçu de réponse favorable. L’AMF, BNP Paribas, X-Trade, CMC Market, ou encore BinckBank ont refusé de répondre à nos questions. « Derrière ce sujet du prospectus, il y a beaucoup de « compliance ». En France, nous sommes trop protecteurs et c’est contradictoire de vouloir jouer de l’argent en bourse sans en assumer les risques. L’AMF devrait faire un travail d’éducation et non pas d’interdiction. » souligne Marc Dagher, CEO de DT Expert. De son côté, Alban Soubigou précise : » Un des gros efforts de l’AMF et des régulateurs européens depuis 10 ans, c’est de réguler les produits mais aussi les pratiques avec des départements conformité et contrôle, externes aux salles de marché, qui vérifient les activités et la gouvernance produit. Autrement dit, est-ce que ce produit est en adéquation avec le profil de l’investisseur? Cette protection des investisseurs-particuliers sera encore renforcée avec la MiFid 2 (Directive sur les marchés d’instruments financiers) dès 2018. »
Suite à l’interdiction de la publicité sur les produits Forex/ CFD/ options binaires, certains spécialistes pensent que les particuliers vont aller chercher « l’effet levier » via les warrants et les turbos. D’après Alban Soubigou, le transfert ne sera pas total, car « Parmi les personnes qui ont fait les frais de démarches peu scrupuleuses des prestataires non règlementés, certaines ne reviendront pas sur le marché des warrants et turbos. Ce ne sont pas des gens qui accepteront les contraintes et les complexités techniques de nos produits. Par contre, ceux qui ont fait l’effort d’un apprentissage seront attirés par ces produits qui sont sur un marché plus mature. »
S’interroger sur l’utilité de ces produits
Avec la financiarisation excessive de l’économie, qui a débuté dès les années 1990, nous avons vu naitre un marché des dérivés hypertrophié. A la base, ce marché annexe venait simplement combler un besoin de s’assurer des risques financiers réels. Rapidement, la spéculation est venue s’emparer de ce marché pour le déconnecter progressivement avec l’économie réelle. Autrement dit, se positionner sur le marché des dérivés, c’est prendre des risques sur les risques des risques… Par exemple, ces produits servent de couverture sur une action ou une devise. Les warrants et turbos « apportent de la liquidité globale au marché et contribue à l’actionnariat par la position miroir que la banque prend pour se couvrir » souligne Alban Soubigou.
Cependant, n’oubliez pas que miser son argent sur ces produits dérivés à forts leviers nécessite connaissance et discernement!